Des chaises volantes à 40 mètres de hauteur, une comédie musicale sur de jeunes bardes qui rêvent de percer dans le show-business, une croisière au milieu de pirates revanchards… Le Parc Astérix (Oise) lance sa nouvelle saison ce samedi 30 mars avec de nombreuses nouveautés pour célébrer ses 35 ans. Dix millions d’euros investis pour un anniversaire que le parc d’attractions aborde plus en forme que jamais : l’an dernier, il a battu son record absolu de fréquentation avec 2,8 millions de visiteurs.
Ce n’était pourtant pas gagné : à son ouverture en 1989, on ne donnait pas cher de la peau du parc gaulois, surtout face à l’arrivée annoncée de Disneyland Paris à quelques kilomètres de là en Seine-et-Marne. Mais fidèle à sa réputation de guerrier, Astérix a résisté, au point de s’imposer comme le deuxième parc de loisirs français (derrière son rival américain et ses 15 millions de visiteurs annuels) et de se hisser dans le top 10 européen. Décryptage d’un succès bien français.
Avant d’être un concurrent, Walt Disney a d’abord été une source d’inspiration. Les deux papas d’Astérix admiraient l’Américain pour son dessin, mais aussi son parc à thème Disneyland qui a révolutionné l’industrie en Californie, en 1955. «Mon père était un grand enfant et avait une passion dans la vie, Disneyland», se souvient Anne Goscinny, fille du scénariste René Goscinny qui a imaginé la bande dessinée avec le dessinateur Albert Uderzo. Elle a visité le parc près de Los Angeles très jeune, lors d’un voyage en famille aux États-Unis. «Il a dit à ma mère : “on va emmener la petite à Disneyland”, mais c’est mon père qui s’est auto-emmené à Disneyland ! Il a fait 200 fois Pirates des Caraïbes et la maison hantée !»
C’est bien plus tard, alors que la fièvre des parcs à thème commence à gagner la France avec plusieurs gros projets sur les rails, qu’Albert Uderzo souhaite un parc autour de l’univers des irréductibles Gaulois. «Ce n’était pas simple, se souvient sa fille Sylvie Uderzo. Il a fallu trouver des gens qui croyaient en lui.» Il embarque son ami Pierre Tchernia dans le projet, dans lequel sont investis 850 millions de francs. «Mon père était fou de joie, René [décédé en 1977, NDLR] était avec lui à chaque instant», raconte Sylvie Uderzo.
Le site retenu est idéal, au bord de l’autoroute A1 entre Paris et Lille, à 15 minutes de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Les travaux sont titanesques : il faut creuser un lac, reconstituer le village gaulois et installer les attractions. À quelques semaines de l’ouverture, rien n’est terminé. «Quand je suis arrivée, en mars 1989, ils finissaient tout juste les peintures et la Via Antica [la rue à l’entrée du parc, NDLR] était encore en terre battue», raconte Danielle Hottois, responsable accessoires spectacles et décorations, entrée il y a 35 ans comme saisonnière en restauration. «On se disait que ce ne serait jamais prêt.»
Jack Lang, ministre de la Culture, inaugure finalement le Parc Astérix le 30 avril 1989 et le succès est immédiat. Les visiteurs sont si nombreux que la capacité du site est plusieurs fois dépassée dans les premiers mois, l’obligeant à refouler des milliers de clients. Puis, passé l’excitation des débuts, la première moitié des années 1990 est difficile. À peine 1,3 million de visiteurs la première saison sur les 2 millions attendus. «Certains jours, il y avait à peine 1000 personnes sur le parc, on devait aller chercher les visiteurs pour remplir les restaurants», glisse Danielle Hottois.
En 1992, l’année où est inauguré Disneyland Paris, la fréquentation chute sous le million de visiteurs. Mais Astérix s’accroche : il investit dans de grosses nouveautés comme Menhir Express et Tonnerre de Zeus, qui sont encore aujourd’hui deux attractions phares du parc. La courbe s’inverse, jusqu’à atteindre, avec dix ans de retard, les 2 millions de visiteurs en 1999.
Les investissements se font ensuite plus rares, et la qualité du parc se dégrade, avec des attractions souvent en panne ou aux temps d’attente prohibitifs. La fréquentation chute, jusqu’à tomber à 1,6 million de visiteurs en 2011, le Parc Astérix passant même derrière le Futuroscope. Son propriétaire, la Compagnie des Alpes, se redonne de l’ambition dès l’année suivante avec OzIris, une nouvelle montagne russe unique en France où les trains sont suspendus dans le vide qui doit la remettre dans la course.
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La fréquentation remonte et les investissements se poursuivent : Discobélix en 2016 (3 millions d’euros), Pégase Express en 2017 (16 millions d’euros), sans compter sur le succès de la saison d’Halloween – Peur sur le parc – qui fait le plein avec ses maisons hantées et acteurs qui envahissent les allées pour effrayer les visiteurs. Des efforts récompensés : un record à 2,3 millions de visiteurs en 2019, avant l’irruption du Covid. Malgré la pandémie, les investissements se poursuivent, comme Toutatis en 2023 (36 millions d’euros), un nouveau «roller coaster» à propulsion qui enchaîne les records : 2,8 millions de visiteurs sur la saison, du jamais vu.
La recette de la potion magique semble maîtrisée. «C’est la spirale positive de l’investissement, dans la maintenance de l’existant et pour l’ajout de nouveautés», souligne Guy Vassel, directeur général adjoint. Certes, les parcs d’attractions ont le vent en poupe et tout le secteur progresse depuis la pandémie. «Mais le Parc Astérix fait un peu mieux que les autres, sourit-il. On a su faire les bons choix, rénover le parc, être bons dans le service et garder des tarifs raisonnables.»
Les nouvelles attractions cherchent à se démarquer de la concurrence et l’immersion, à laquelle tenait beaucoup Albert Uderzo, a été retravaillée pour recentrer le parc autour de l’univers d’Astérix – jusqu’à proposer un banquet dans le village les soirs d’été, avec sanglier au menu évidemment. Le parc s’est aussi transformé en destination, passant de 100 à 450 chambres d’hôtel entre 2017 et 2023, élargissant sa zone de chalandise et allongeant la durée de visite. Les visiteurs qui font plus de trois heures de route pour venir chez les Gaulois représentent désormais près de 40% du public, 15 points de plus qu’il y a dix ans. Et la part d’étrangers a été doublée, à 15% environ.
Le défi, désormais, est de «continuer à grandir en préservant la qualité de l’expérience», explique Guy Vassel. Nouvel hôtel, nouvelles attractions, refonte totale de la zone de la Rue de Paris… Des nouveautés sont déjà prévues chaque année jusqu’en 2028, avec le seuil des trois millions de visiteurs en ligne de mire. En 2025, ce sera une montagne russe familiale, sur laquelle le parc garde encore le secret. Elle promet toutefois d’être originale, comme le glissait Guy Vassel au Figaro en décembre dernier, puisque les sièges y seront installés… face à face.