Une épidémie de lapins. Fatiguées de devoir faire face à un nombre croissant de rendez-vous médicaux non honorés, les blouses blanches ont haussé le ton, ce vendredi. Dans un communiqué commun, l’Académie de médecine et le conseil national de l’Ordre des médecins ont manifesté leur «vive préoccupation face aux graves conséquences soulevées par les rendez-vous médicaux non honorés». Un «véritable problème de santé publique», reflet d’une «regrettable évolution sociétale», s’agacent les professionnels.
Chaque année, 27 millions de rendez-vous médicaux ne sont pas honorés, soulignent les institutions, qui citent plusieurs enquêtes. Une proportion loin d’être négligeable, puisqu’elle représente entre 6% et 10% des rendez-vous pris chaque semaine. Cela «correspond à une perte de temps de consultation de près de 2 heures hebdomadaires pour le médecin quelle qu’en soit la discipline», ajoute le communiqué.
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Or, alors que le pays connaît une situation inédite de désertification médicale, ces rendez-vous manqués sont loin d’être anodins. Les deux organisations insistent sur l’«effet boule-de-neige» qu’est susceptible d’engendrer ce type d’incivilités : «Les rendez-vous non honorés réduisent la disponibilité médicale des praticiens, limitent l’accès aux soins pour des patients en ayant réellement besoin et contribuent à majorer le nombre de patients qui s’adressent aux services d’urgence».
Le problème soulevé par l’Académie de médecine et l’Ordre des médecins n’est hélas pas nouveau. Les médecins ont beau tirer la sonnette d’alarme depuis plusieurs années, les rendez-vous non honorés ne cessent d’augmenter. Comme le souligne le communiqué, certains patients n’hésitent plus à «prendre desrendez-vous en double chez plusieurs praticiens, en fonction de leur convenance». Avec la popularisation des plateformes de type Doctolib, la pratique relève désormais du jeu d’enfant. «La possibilité de prendre rendez-vous en un clic a pu désinhiber les patients les moins scrupuleux», confirme Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML). «Ce sont pour la plupart de jeunes actifs, à l’aise avec les outils numériques, qui jonglent sans problème entre plusieurs praticiens et annulent à leur guise». Au point que certains médecins en viennent désormais à regretter la prise de rendez-vous traditionnelle par téléphone…
Certes, il existe sur Doctolib tout un arsenal de fonctionnalités pour prévenir les incivilités : notifications automatiques de rappel envoyées par SMS, suppression de l’option annulation à l’approche de la consultation, blocage des patients «récidivistes» par les praticiens… «Mais ce n’est pas suffisant», juge Jérôme Marty, pour qui seule la coercition financière permettra de venir à bout du phénomène. «Il faut imposer une sanction, même de quelques euros», assène le président de l’UMFL.
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Plus prudents, l’Académie de Médecine et l’Ordre des médecins encouragent les pouvoirs publics à «amender les propositions de loi sur l’accès aux soins en cours de discussion, afin de responsabiliser les patients sur les rendez-vous non honorés.» Car sanctionner les patients est en réalité moins facile qu’il n’y paraît : qui se chargerait de prélever les frais de non-représentation? l’Assurance Maladie ? Les médecins? Et comment prouver que le patient n’a pas honoré son rendez-vous ? Refroidi sans doute par ces difficultés de mise en œuvre, le gouvernement pencherait plutôt pour une vaste campagne d’information – l’autre piste avancée par le communiqué – pour sensibiliser et responsabiliser le public sur le sujet.