«Il n’existe pas une seule solution pour diminuer l’hospitalisation et la contrainte, mais un ensemble de mesures qui, les unes à côté des autres, vont permettre un moindre recours à la contrainte», explique Jean-Paul Lanquetin, infirmier en secteur psychiatrique et membre du Groupe de recherche en soins infirmiers basé dans le Rhône.

Ce dernier mène une étude dont l’un des objectifs est d’identifier les outils, les savoirs, les compétences ainsi que les formes d’organisation qui favorisent un moindre recours à la coercition. En voici quelques-uns.

Dans les villes avoisinantes de Lille (sur le secteur 59G21 exactement, qui couvre les villes de Mons-en-Barœul, Hellemmes, Lezennes, Ronchin, Faches-Thumesnil et Lesquin), la psychiatrie se pratique majoritairement hors les murs de l’hôpital, chez les personnes elles-mêmes. Après sollicitation de soins ambulatoires, les personnes sont reçues dans les quarante-huit heures pour une évaluation. «Nous allons également à la rencontre des gens. Par exemple, nous appelons les urgences tous les jours pour savoir quels patients sont passés et éventuellement les contacter. De plus, les médecins traitants du secteur peuvent appeler directement les psychiatres», explique le Dr Laurent Defromont, chef du pôle 59G21. Pour les personnes en situation de crise, l’équipe composée de psychiatres, de psychologues, d’infirmiers, de psychomotriciens, d’enseignants en APA, d’éducateurs ou encore de médiateurs de santé pairs, peut intervenir au domicile. Pendant une quinzaine de jours, ils vont passer tous les jours au domicile, voire deux fois par jour si besoin.

«L’hôpital soigne bien les gens, mais ne permet pas à la personne d’être autonome lorsqu’elle sort. Avec le risque de cercle vicieux: je ne vais pas bien, je retourne à l’hôpital. En se déplaçant chez le patient, nous pouvons appréhender l’environnement dans lequel il vit et aborder tous les problèmes auxquels il est confronté pour l’aider à gagner en autonomie», explique le Dr Laurent Defromont. Sur les quelque 3 500 personnes vues en consultation chaque année, 250 seront hospitalisées. Un nombre faible pour un bassin de population de 88.000 habitants, mais en forte augmentation depuis que le nombre de psychiatres a diminué. «Aller à domicile, répondre aux urgences, ce n’est pas le plus attractif pour des psychiatres», constate le Dr Defromont.

Les directives anticipées psychiatriques permettent à un patient souffrant d’un trouble psychique d’établir les modalités à mettre en œuvre lors de moments de détresse. «Nous pouvons notamment nous appuyer sur ces directives lorsque le patient n’a plus ses capacités de discernement. Elles vont informer sur les signes avant-coureurs d’une crise afin de l’éviter, sur ce qui l’apaise, sur la conduite à tenir en temps de crise, les traitements que le patient souhaite, la personne de confiance à contacter…», explique Jean-Paul Lanquetin.

Ces directives peuvent aussi comporter des indications sur la musique qui apaise ou encore à qui confier un animal de compagnie en cas d’hospitalisation… Cet outil reste très peu répandu en France, alors qu’il est efficace. Une étude menée par des équipes françaises et publiée dans Jama Psychiatry a montré que les directives anticipées permettent de réduire de plus de 30 % les hospitalisations sous contrainte et améliore globalement la santé mentale.

C’est une expression incompréhensible pour le commun des mortels. Que signifie-t-elle exactement? «La réhabilitation psychosociale, c’est tout ce qui va être mis en place pour aider les personnes atteintes de troubles psychiques à se reconstruire en tant que personne. Même lorsque la maladie n’est pas totalement stabilisée, il est possible de faire des projets. Protéger de la vie n’a jamais protégé de la maladie, bien au contraire», martèle le Dr Nicolas Rainteau, psychiatre et responsable du Centre de rétablissement et de réhabilitation Jean-Minvielle à Montpellier.

Comme l’explique le psychiatre, la réhabilitation psychosociale peut donc se voir comme une boîte à outils mise au service de l’usager pour l’accompagner dans cette reconstruction. On y trouve des soins, mais aussi de l’accompagnement sur l’emploi, le logement, les droits… Par exemple, le centre Jean-Minvielle accueille de jeunes adultes souffrant de schizophrénie. Ceux-ci, contrairement à ce qui se passe dans les autres centres, peuvent appeler directement sans avoir besoin de passer par un psychiatre. «Nous acceptons également les personnes qui ne sont pas sous traitement. La porte d’entrée chez nous, c’est le projet de vie et pas l’aspect médical. Notre objectif est de créer un environnement propice pour qu’elles puissent mener à bien leurs projets», précise Nicolas Rainteau.

Souvent, l’objectif de ces jeunes adultes, comme tous ceux de leur âge, est de pouvoir travailler et obtenir un logement. Chaque personne venant au centre va être accompagnée pas à pas dans une véritable collaboration. «Rien ne se fait sans eux. Tout participant est présent aux réunions qui le concernent», insiste Nicolas Rainteau. Si le patient souhaite devenir tatoueur, les équipes prendront contact avec un tatoueur. Les professionnels font du sur-mesure pour chacune des 150 personnes suivies par le centre. En moyenne, les malades qui cherchent un travail mettent cinq mois à en trouver un. «Et le taux de réhospitalisation est très bas. Mettre du sens stabilise les choses», insiste Nicolas Rainteau.