Ça y est, la grippe fait son grand retour. Les virus grippaux ont même bien pris leurs aises puisque la quasi-totalité des régions métropolitaines sont même désormais en phase épidémique, selon le dernier bilan de Santé publique France. Comme chaque année, la vaccination est recommandée aux professionnels de santé et plus encore aux personnes à risque de faire une forme grave. Il s’agit surtout des personnes de 65 ans et plus, des personnes obèses ou souffrant de certaines maladies (maladies respiratoires chroniques, maladies cardiovasculaires, diabète, etc.) et des femmes enceintes. Cette année, la campagne de vaccination a débuté le 17 octobre. L’épidémie ayant déjà bien démarré, est-il toujours temps de se faire vacciner ? Le vaccin est-il efficace ? Et pourquoi faut-il le refaire chaque année ? Réponses avec deux spécialistes.
Les virus grippaux ont la particularité d’évoluer en permanence, avec parfois l’apparition de mutations génétiques. «À partir du moment où un virus infecte une personne, il va muter au fur et à mesure de sa multiplication dans l’organisme, notamment pour échapper aux défenses immunitaires», explique Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence des virus des infections respiratoires.
Cette caractéristique impose d’ajuster chaque année la composition du vaccin pour y introduire les quatre souches virales les plus récentes en circulation. Donc de se faire vacciner chaque année.
D’autant que la protection conférée par le vaccin ne dure que six mois environ. «À partir du moment où vous êtes vacciné, le système immunitaire est prêt. Il va attaquer et éliminer le virus plus rapidement», explique le spécialiste des virus respiratoires. Est-il encore temps de le faire pour cette saison ? «Oui, si ça n’a pas encore été fait, il est urgent de le faire car l’épidémie a déjà bien démarré», souligne Sylvie van der Werf, professeure à l’Institut Pasteur au département de virologie.
La campagne de vaccination n’est d’ailleurs pas terminée, il est possible de se faire vacciner jusqu’au 31 janvier. Sachant que l’épidémie vient de démarrer, qu’une quinzaine de jours est nécessaire pour que la protection soit effective et qu’une épidémie de grippe dure généralement 6 à 12 semaines, le jeu en vaut encore la chandelle. «Mais l’idéal est de se faire vacciner dès que les doses sont disponibles en pharmacie», insiste Vincent Enouf.
Le vaccin est-il efficace cette année? «C’est un peu tôt pour le dire, nous ne sommes qu’au début de l’épidémie donc nous n’avons pas encore beaucoup de virus à analyser», répond Sylvie van der Werf. Pour mettre au point le vaccin, «il y a deux réunions chaque année à l’Organisation mondiale de la Santé (une pour l’hémisphère nord, l’autre pour l’hémisphère sud) où sont décidées les souches qui devront faire partie de la composition du futur vaccin», poursuit le spécialiste. Un pari que les virus parviennent parfois à déjouer, ce qui explique la moindre efficacité du vaccin certaines années. «Mais même une efficacité moyenne protège des formes graves», tient à préciser Vincent Enouf.
Et les premières données sur le millésime 2023-2024 sont plutôt rassurantes. «Les virus qui circulent pour le moment sont majoritairement de type A (H1N1), ce qui est en adéquation avec le vaccin», avance Vincent Enouf. L’année dernière, l’efficacité du vaccin avait été estimée à 44%. Cela signifie qu’une personne vaccinée a divisé par deux son risque de faire une forme grave, ce qui n’est pas rien. «On considère qu’une efficacité de 50% est très bonne pour un vaccin antigrippal», assure le directeur adjoint du Centre national de référence des virus des infections respiratoires. Comme c’est le cas du vaccin contre le Covid-19, le vaccin contre la grippe n’empêche pas forcément d’attraper le virus et d’avoir des symptômes. Son objectif est d’arrêter le virus avant que l’infection ne dégénère.
Certaines personnes redoutent les conséquences néfastes d’une succession de vaccins anti-Covid et antigrippe. Après tout, ne dit-on pas que «c’est la dose qui fait le poison» ? «Notre système immunitaire est stimulé en permanence par tout ce que l’on rencontre, les vaccins ne sont qu’une rencontre de plus. À ce jour, il n’y a pas d’effet négatif rapporté, documenté de ces vaccinations à répétition», répond Sylvie van der Werf. «C’est l’infection qui peut donner lieu aux pires conséquences, pas la vaccination. Il existe un moyen sûr de s’en prémunir, les personnes à risques auraient vraiment tort de s’en priver».