Au poker, cela s’appelle «faire tapis». Depuis deux mois, les cinq journées de grève n’ont pas vraiment fait reculer le gouvernement sur son projet de réforme des retraites malgré des manifestations de très grande ampleur. Du coup, les cheminots et les salariés de la RATP annoncent une grève renouvelable à partir du 7 mars. Leur dernière chance d’infléchir l’exécutif. Seule certitude pour l’instant, la grève sera très suivie le 7 mars. Sur les grandes lignes où il n’y aura qu’un TGV sur cinq. Mais aussi dans les transports en commun: un TER sur cinq en province, un RER A et B sur trois en Île-de-France, un métro sur trois à Paris (lignes 2, 9, 10…).

Ministre des Transports, Clément Beaune s’attend mardi à «une vraie galère pour ceux qui ne peuvent pas télétravailler». Et il prévient: «Les choses ne s’arrêteront sans doute pas le 7 mars au soir ou le 8 mars au petit matin.» Pour une fois, il n’est pas en contradiction avec la CGT. «Attendez-vous à ce qu’il n’y ait pas de trains à partir de cette date (NDLR 7 mars)», explique Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-cheminots. Mercredi, la RATP parle d’un trafic «en amélioration par rapport à la journée du 7 mars» mais «très perturbé sur les réseaux RER et métro».

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Pour faire bouger l’Élysée, les syndicats ont une stratégie en tête: «Il faut qu’on mène une grève reconductible d’au moins dix jours et que nous bloquions Paris au moins deux week-ends», estime Didier Mathis, secrétaire général de l’Unsa-ferroviaire. Les syndicats seront-ils suivis par leurs troupes en cette période de perte de pouvoir d’achat? Personne n’en sait rien. «En pleine campagne électorale pour choisir un nouveau premier secrétaire de la CGT fin mars, la CGT-cheminots, qui est parmi les dures au sein de la confédération, va peser pour prolonger le mouvement, estime Arnaud Aymé, spécialiste des transports au sein du cabinet de conseil Sia: si elle réussit son coup, ça augmentera les chances du candidat le plus maximaliste d’être élu.»

L’exécutif qui a en tête les conflits sociaux à rallonge de 1995 ou de 2019-2020 dans les transports à cause, déjà, d’une réforme des retraites sera attentif à l’évolution de la situation. Certains arguments plaident aussi pour que le mouvement ne s’étire pas. «Les cheminots et les salariés de la RATP ont moins à perdre que lors de la précédente réforme des retraites à l’hiver 2019-2020», souligne Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail.

Si, sur le papier, les conducteurs de train ou de métro devront travailler deux ans de plus, l’âge de l’annulation de la décote où ils toucheront l’intégralité de leur pension de retraite a été maintenu à 57 ans à la SNCF comme à la RATP. Et la réforme n’entrera en application que début 2025 dans les deux groupes publics contre septembre 2023 chez les autres employeurs. De plus, si l’exécutif profite de cette réforme pour arrêter les recrutements au statut à la RATP, la clause du grand-père garantit aux salariés actuels de conserver leur régime spécial de retraite. De quoi inciter ces personnels à réfléchir avant de se lancer dans un mouvement au long cours.