Emmanuel Macron arrivera après les autres. Le président de la République est attendu mardi en Israël, plus de deux semaines après l’attaque barbare commise par le Hamas en Israël le 7 octobre. Le chef de l’État a été précédé sur place par l’Américain Joe Biden, l’Allemand Olaf Scholz, le Britannique Rishi Sunak, l’Italienne Giorgia Meloni, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen… Emmanuel Macron veut être «utile», dit-on à l’Élysée pour justifier d’avoir temporisé. Le président s’est aussi «beaucoup consacré» à préserver «l’unité nationale» après l’attaque terroriste à Arras, vendredi dernier. «Il est aujourd’hui entièrement disponible», explique-t-on en promettant que le président formulera des propositions opérationnelles. Mais le président court le risque de décevoir de tous côtés.
Avant d’évoquer une sortie de crise, le chef de l’État devra rappeler les fondamentaux de la position française. La visite du président démontrera d’abord «la pleine solidarité de la France avec Israël», explique-t-on à l’Élysée. Le message est «univoque: il n’y a pas de réserve ni de oui mais», insiste-t-on en rappelant le caractère inédit des attaques. «Israël a le droit de se défendre», souligne-t-on en demandant le respect du droit humanitaire dans le cadre de la riposte. La condamnation des attaques du Hamas est elle aussi sans ambiguïté même si la France veut «éviter une escalade dangereuse dans la région». Mais Emmanuel Macron voudrait aussi «ouvrir une perspective politique» en rappelant la position de la France en faveur d’une solution à deux États Israélien et palestinien. Pour la diplomatie française, la nouvelle guerre de Gaza rappelle aux acteurs internationaux que la question israélo-palestinienne ne peut pas être évacuée. Elle «ne peut pas être gérée a minima», explique-t-on.
Emmanuel Macron portera ces messages auprès du premier ministre Benyamin Netanyahou ainsi que du président Isaac Herzog, mais aussi auprès du général Benny Gantz et du leader de l’opposition Yair Lapid. Il compte aussi s’entretenir avec ses partenaires arabes, le président de l’autorité palestinienne, le roi de Jordanie, le président égyptien et des responsables du Golfe. L’Élysée n’a pas précisé s’il lui serait possible de se rendre dans une capitale arabe. Le chef de l’État s’était déjà entretenu par téléphone avec les différentes capitales régionales la semaine dernière.
«Nous souhaitons une pause humanitaire qui nous donne suffisamment d’espace pour construire un cessez-le-feu», résume-t-on dans l’entourage du président comme un vœu dont on connaît la difficulté. Cette pause pourrait faciliter l’acheminement de l’aide à la population de Gaza et surtout, espère-t-on, permettre des discussions sur la libération d’otages. Sept Français sont portés disparus. L’attaque du 7 octobre a causé la mort d’une trentaine de Français. Emmanuel Macron a prévu de rencontrer les familles. Pour préserver toutes les chances de négociation, les éventuels contacts sont tenus secrets. À l’Élysée on souligne seulement la difficulté pratique et logistique à nouer un contact à Gaza.
Sans surprise, le message d’Emmanuel Macron s’inscrit dans la continuité de celui de ses homologues occidentaux. Si la France a détenu, fût un temps, une aura particulière au Proche-Orient celle-ci s’est étiolée.
D’Israël, Emmanuel Macron enverra néanmoins un message à la société française, percutée par les répercussions du conflit. Mais tenaillée entre une scène politique nationale polarisée et une crise internationale qui menace de se radicaliser, ses marges de manœuvre sont étroites. Les crimes du groupe terroriste sont trop atroces pour ne pas être dénoncés. Mais les soutiens politiques à la Palestine réclament aussi leur part d’empathie au fur et à mesure que le bilan humain à Gaza s’accroît. Sur le plan diplomatique, le chemin est encore plus étroit.
«La France est avec Israël», explique un bon connaisseur du gouvernement israélien. «Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahou se sont déjà parlé trois fois», ajoute-t-on. Mais le gouvernement israélien ne semble pas enclin à entendre le moindre appel à la retenue. «La majeure partie de la riposte est devant nous», assure un observateur du conflit. Israël veut «en finir avec le Hamas». «Le moment de la discussion politique viendra mais c’est très difficile aujourd’hui», ajoute-t-on. De toute façon, la radicalisation du Hamas et la pression des opinions publiques arabes empêchent aussi toute discussion publique.
Emmanuel Macron mène des discussions diplomatiques depuis le début de la crise. Il s’est notamment entretenu le 15 octobre dernier avec le président iranien Ebrahim Raissi. «Nous n’avons aucune raison de croire que l’Iran puisse jouer un rôle constructif», admet-on à l’Élysée. Mais on espère convaincre Téhéran d’empêcher une extension de la guerre au Liban. «Nous souhaitons que l’Iran passe les messages nécessaires», insiste-t-on. «Le Hezbollah ne doit pas rentrer dans ce conflit», répète-t-on.
Avec des leviers diplomatiques limités, Emmanuel Macron essaiera sans doute de gagner du temps dans la région. Quitte à donner le sentiment d’un déplacement sans résultat. «Le président n’avait pas d’autre choix» que se rendre en Israël, estime Pascal Ausseur, directeur de la Fondation méditerranéenne pour les études stratégiques. «C’est un déplacement contraint» où la voix de la France perd de sa singularité. «La politique extérieure de la France s’est européanisée», estime l’amiral. Pour l’officier en retraite, les contraintes qui pèsent sur le voyage présidentiel ne permettront pas d’aborder toutes les dimensions de la crise. En apportant son soutien à Israël, Emmanuel Macron va s’inscrire dans «la dimension idéologique» du conflit, celle qui dénonce le terrorisme du Hamas. Mais la France n’est pas en mesure de peser dans la résolution stratégique du conflit. Elle ne pourra rien dire non plus sur la crise économique et sociale qui nourrit la colère des Palestiniens. La guerre d’Israël en Gaza ne fait que commencer. Les efforts diplomatiques français devront se poursuivre pour être peut-être un jour entendus.