Une semaine après que la publication d’un rapport du Sénat épinglant les acteurs de la grande distribution pour des hausses de prix discutables, au tour de l’Assemblée nationale de renvoyer dos à dos enseignes et fournisseurs sur la responsabilité de la hausse des prix en rayon. Un camouflet pour Michel-Édouard Leclerc, le président des centres E. Leclerc, qui avait accusé les industriels de l’alimentaire en pointant des hausses de prix «suspects».

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Mené par le «groupe de travail Inflation» dirigé par la députée LFI-Nupes Aurélie Trouvé et son collègue du groupe Horizon Xavier Albertini, le rapport est le fruit de trois semaines d’auditions et de tables rondes, qui ont permis de rencontrer 38 acteurs du secteur, des économistes et des experts. Un travail d’enquête qui a aussi permis de souligner le manque d’informations fiables et la faiblesse des données disponibles, «qui ne permettent pas de conclusions» dans l’immédiat sur les causes des hausses des prix. En cause, les problèmes «de temps», mais aussi «de transparence», selon Aurélie Trouvé.

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Sur la question de la fixation des prix en rayon, distributeurs et industriels se renvoient la responsabilité de la lenteur des négociations commerciales et de hausses cachées. Les industriels se plaignent d’être «pris en étau», entre l’augmentation des prix en amont et l’impossibilité de pouvoir les répercuter en aval. Ils accusent la distribution d’avoir des demandes excessives de «surtransparence». Un alibi, selon eux pour gagner du temps ou obtenir des informations protégées. À l’inverse les distributeurs demandent plus d’informations sur les demandes de hausse formulées par les groupes de l’agroalimentaire. Ils pointent notamment des demandes de hausses qui varient fortement entre fournisseurs pour un même produit, ainsi que l’envolée des profits de certains acteurs.

De leur côté, les rapporteurs tirent plusieurs conclusions, similaires à celles des sénateurs. D’abord, les acteurs s’attendent tous à ce que «la hausse des prix alimentaires» atteigne son pic – entre 7 et 10% – «à l’automne» prochain. Ensuite, «nos travaux n’ont pas permis de conclure à des comportements abusifs systémiques de la part des industriels ou des distributeurs», a affirmé Xavier Albertini devant la commission des Affaires économiques.

Le rapport pointe malgré tout que «les marges brutes des distributeurs demeurent relativement élevées», de l’ordre de 25 à 30%. De son côté, la DGCCRF, citée dans le document, souligne qu’il est plus facile pour les opérateurs de la chaîne de valeur de masquer des pratiques anticoncurrentielles en période d’inflation. Une situation qui «paraît justifier un contrôle plus poussé, de la part du gouvernement, des comportements des uns et des autres», ont souligné les rapporteurs en commission.

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Même interrogation du côté de l’énergie. En se basant sur les conclusions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le rapport explique ne pas avoir pas observé de comportements répréhensibles sur le marché de gros français du gaz, tout en ajoutant que la situation actuelle est propice aux manipulations de prix ou délits d’initiés. Les auteurs n’ont pas davantage observé de comportement répréhensible sur le marché français de l’électricité, tout en relevant que les prix de gros de l’électricité restent évidemment tributaires d’éventuels dysfonctionnements du marché du gaz.

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La situation pourrait prochainement évoluer. «La tendance récente, sur le marché du pétrole, semble néanmoins s’orienter vers une stabilisation à la hausse dans les prochains mois», avance le rapport. Une assertion justifiée par un rééquilibrage de l’offre et de la demande et la perspective d’un ralentissement de la croissance mondiale. Les députés ne comptent pas s’arrêter là : ils renvoient à la rentrée pour poursuivre ce travail d’enquête.

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