Plus de 19 millions de canards et de volailles abattues et 1378 élevages touchés. Au terme d’un des épisodes de grippe aviaire les plus meurtriers en France, qui a touché en deux vagues les élevages du Sud-Ouest puis de la Vendée, le gouvernement et les filières volaille et foie gras se mettent en ordre de marche pour tenter de trouver des pare-feu enfin efficaces à cette maladie très virulente et destructrice. Ainsi depuis 2016, le secteur a traversé pas moins de quatre épisodes majeurs, tous achevés à coups d’abattages massifs d’animaux, seule solution efficace une fois le virus installé.

À la clef, le coût se chiffre en dizaines voire en centaines de millions d’euros pour les filières. Il découle bien sûr des animaux abattus – le coût sanitaire. Mais aussi et surtout du manque à gagner lié aux vides sanitaires, qui empêchent pendant des mois la remise en place d’animaux dans les élevages – le coût économique. Cette année, le gouvernement a chiffré à pas moins de 1,1 milliard d’euros l’enveloppe d’indemnisations qui sera versée aux producteurs, dont 460 millions déjà déployés. Du jamais vu… Pour ne pas rééditer une telle catastrophe, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a présenté ce vendredi les grandes lignes du plan d’attaque envisagé, avant la prochaine période à haut risque des migrations hivernales (le virus arrivant par la faune sauvage).

Élaborée avec les interprofessions de la volaille et du foie gras, cette feuille de route prévoit le déploiement de kits de détection pour inciter les éleveurs à tester le plus tôt possible les animaux. Ceci doit permettre de réagir plus vite à un cas positif. Notamment quand, comme cette année, le temps d’incubation du virus est long. Les mesures de biosécurité strictes mises en place depuis cinq ans dans les élevages (nettoyage, désinfection, transport…) seront aussi étendues au maximum à tous ceux qui interviennent dans les élevages, avec des autocontrôles plus étendus. Un moyen de limiter au maximum l’introduction du virus.

Reste que le durcissement de ces armes de biosécurité au fil des ans s’est révélé in fine souvent insuffisant, face à des variants de grippe aviaire de plus en plus contagieux. Le gouvernement veut donc jouer sur d’autres fronts. Avec pour la première fois, des incitations financières pour favoriser les bonnes pratiques sanitaires. Si le barème des sanctions n’est pas encore fixé, tout éleveur qui ne respecterait pas les mesures de biosécurité ou qui ne serait à jour dans le signalement de son élevage ou dans les informations sur les mouvements de ses volailles, sera touché au portefeuille. Notamment par des restrictions d’indemnisations en cas de contamination.

En parallèle, les producteurs touchés par les abattages pourront désormais prétendre aux aides économiques pendant huit mois, soit au-delà des périodes de restrictions sanitaires jusque-là prises en compte. Mais en échange, ils devront s’engager sur des baisses de densité dans leurs élevages. «Cela permettra à la fois de dédensifier les zones à risque et de favoriser, pour compenser, les mises en place d’animaux dans les zones indemnes» explique-t-on au ministère, qui souhaite rééquilibrer au niveau national la production.

Le sujet est très sensible. Tous les ans, le rôle de la trop forte densité des élevages dans certaines zones comme le Sud Ouest, est pointé du doigt. Ce qui fait bondir les éleveurs. Sur ce point sensible, les niveaux de la baisse du nombre d’animaux au mètre carré seront fixés par les interprofessions. Au plus tard d’ici la prochaine saison.

Le gouvernement veut ainsi mettre en place dès cette année ces mesures, pour tenter d’éviter de voir péricliter une filière déjà très fragilisée. Ainsi, après les nombreux abattages en Vendée, place forte des couvoirs et de la production des reproducteurs, le déficit en canetons atteint actuellement 40%. De quoi s’attendre à de tensions sur le foie gras pour la période de fin d’année. Dans la volaille et les œufs, les difficultés d’approvisionnement liées aux abattages massifs sont déjà apparues au printemps, principalement pour les industriels de l’alimentaire.

À plus long terme, une des armes les plus prometteuses se profile surtout avec la vaccination des animaux, «même si elle ne peut pas être la seule réponse», souligne le ministère. Au printemps dernier, une expérimentation de plus de 2 millions d’euros a été lancée avec deux candidats vaccins: ceux des laboratoires Ceva Santé Animale et Boehringer Ingelheim. Mais les premiers résultats, encore incertains, ne sont pas attendus avant le début de 2023.