Jean Bobet, que l’écrivain Antoine Blondin surnomma «l’homme au masque de frère», est décédé à l’âge de 92 ans, a annoncé samedi l’Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP), dont il fut l’un des fondateurs.

Coureur puis journaliste-écrivain, Jean Bobet est indissociable de son frère aîné Louison, le premier à gagner trois fois de suite le Tour de France, entre 1953 et 1955.

«J’ai été un coureur cycliste particulier», estimait le cadet né en 1930, cinq ans après son frère. «D’abord, j’étais une curiosité que l’on qualifiait d’intellectuel. C’était écrit sur ma figure: je portais des lunettes. Et puis, j’étais le frère de l’autre. C’était écrit partout: Louison Bobet était LE champion.»

Vainqueur de Paris-Nice en 1955, troisième de Milan-Sanremo la même année, Jean Bobet mena pourtant une carrière des plus honorables, assortie de deux participations au Tour de France (14e en 1955, 15e en 1957) et de trois au Giro, avant de raccrocher en 1959.

«Je nourrissais beaucoup plus d’états d’âme que je ne comptais de succès», reconnaissait-il toutefois dans l’un des livres, une douzaine, qu’il écrivit avec élégance (il obtint le Grand prix de la Littérature sportive), finesse et précision.

Après sa carrière, il s’orienta vers le journalisme (L’Équipe, RTL dont il dirigea le service des sports) et fut même pressenti un temps pour diriger le Tour de France. Mais il ne résista pas à l’appel de son frère, qui s’était lancé dans la thalassothérapie.

Après le décès de Louison en 1983, Jean Bobet était devenu le gardien de la mémoire du champion breton. Aussi vigilant que lorsqu’il éconduisit le philosophe et critique littéraire Roland Barthes, au soir de l’étape du Ventoux du Tour 1955, en lui fermant la porte de la chambre. «Après le travail d’équipier sur la route, je m’attelais à un autre boulot à l’arrivée, celui de chien de garde attaché à la protection rapprochée du champion.»

Dans son ouvrage le plus célèbre, Mythologies, Barthes évoque d’ailleurs le frère de celui qu’il qualifiait de «héros prométhéen»: «Le double de Louison en est aussi le négatif; il est la grande victime du Tour. Il doit à son aîné le sacrifice total de sa personne, en frère. Ce coureur souffre d’une grosse infirmité: il pense.»

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