Le laser serait-il une idée lumineuse pour arrêter le tabac ? Disons-le tout net : pas vraiment. Les fumeurs en quête d’un remède miracle à leur addiction ont pourtant vu fleurir sur leur compte Facebook une publicité pour cette méthode miracle leur promettant d’arriver à se passer de la cigarette après une seule séance seulement – facturée près de 200 euros tout de même. Sur quel principe reposerait alors le miracle ? Son efficacité a-t-elle été démontrée ?
Les centres laserostop.com, présents un peu partout en France, expliquent que le principe consiste à stimuler des zones de l’oreille externe (le pavillon) avec un faisceau de lumière, en partant du principe qu’il existe un lien profond entre cette zone de l’oreille et notre cerveau. Il s’agit en fait d’un dérivé d’une pseudo-science relativement répandue, l’auriculothérapie, qui consiste à appliquer des techniques d’acupuncture sur l’oreille. La technique permettrait, selon ses défenseurs en tout cas, de stimuler la libération de dopamine, une hormone du plaisir libérée par le cerveau. Voilà en tout cas ce en quoi consisterait le remède magique permettant de «devenir libre de la dépendance à la nicotine en une seule séance (…) en supprimant le manque et l’envie de reprendre de fumer dès les premiers instants» qui suivent le traitement.
Comme toute pseudo-science digne de ce nom, l’entreprise tente de se donner un vernis scientifique en multipliant l’utilisation du jargon scientifique. Comme l’usage du terme « photobiostimulation » qu’on peut résumer en une technique qui consiste à envoyer de la lumière sur la peau (vous connaissez peut-être ce mécanisme sous un autre nom : le bronzage). On peut lire sur le site que la lumière « fournit un mécanisme bien spécifique qui donnera un ensemble de réactions subatomiques qui se transmettent ensuite au niveau microscopique puis physiologique représentées par la loi d’Artnz Schultz». Comprenne qui voudra ce qui peut bien se cacher derrière ce ramage sans queue ni tête. On pointera simplement que la loi «d’Arndt-Schulz» (et non «Artnz» comme écrit sur le site du prestataire) est un principe cardinal de l’homéopathie (une autre pseudo-science) stipulant que les poisons pourraient avoir des effets bénéfiques à faible dose. Elle a depuis bien longtemps été abandonnée en pharmacologie.
Selon une méta-analyse réalisée par la collaboration Cochrane en 2014, la méthode laser ne montre en fait aucun bénéfice pour arrêter le tabac. Malgré cela le site laserostop.com assure que « le traitement de l’addiction au tabac par laser permet d’agir sur les causes physiques de la dépendance, mais aussi sur les symptômes qui l’accompagnent (stress, altération du goût et de l’odorat). Il contribue également à réduire l’irritabilité, la frustration, l’anxiété résultant de l’arrêt du tabac. Mieux encore, le laser aide à arrêter de fumer sans prendre de poids, en limitant le besoin de compenser le manque de nicotine par les grignotages ».
Comment expliquer la réussite du site et quels sont les dangers potentiels pour les utilisateurs ? « Comme dans toutes addictions les gens sont friands de méthodes simples, rapides, immédiates, sans souffrances, ni efforts » rappelle Nicolas Simon, professeur en addictologie à l’hôpital de la Timone (AP-HM), à Marseille. Que celles-ci aient ou non démontrées leur efficacité leur importent finalement peu, tant que la promesse, trop belle pour être vraie, est là.
Si la technique laser en elle-même ne marche pas, l’étude Cochrane note cependant que le suivi et l’écoute par un praticien, l’investissement financier et l’effet placebo associé pourraient contribuer à aider le fumeur à arrêter. Mais il pourrait également y avoir des effets pervers. «Ce qui est problématique avec le laser ou tout traitement non adapté est que les gens risquent d’éprouver un sentiment d’échec», souligne Nicolas Simon. «Quand les gens vont sur des choix ésotériques ou utilisent des substituts nicotiniques mal dosés, ils vont avoir l’impression que rien ne marche. Cela n’est pas bon car cela démotive.»
Le bon sens doit enfin primer : pourquoi se tourner vers des méthodes chères, non-remboursées, qui n’ont pas démontré leur efficacité, quand des solutions existent ? «Les substituts nicotiniques marchent très bien quand ils sont bien dosés», rappelle le Pr Nicolas Simon. «Il faut dépasser la crainte du surdosage, car le problème est en réalité le sous dosage en nicotine qui n’enlève pas suffisamment l’envie de fumer, provoque prise de poids et sentiment d’échec. » Rappelons que les substituts nicotiniques peuvent être prescrits par un médecin, un infirmier, un chirurgien-dentiste ou un kinésithérapeute et sont alors remboursés par l’assurance-maladie et les mutuelles.