Orange ne décolère pas. Au lendemain de l’annonce d’un nouvel accord avec le gouvernement visant à réamorcer le déploiement de la fibre en France et notamment dans les zones moyennement denses, l’opérateur est mis à l’amende par le régulateur des télécoms (Arcep). Estimant qu’Orange n’a pas respecté ses engagements pris en 2018 sur la zone dite AMII (appel à manifestation d’intention d’investissement), l’autorité dirigée par Laure de la Raudière a décidé d’infliger une amende de 26 millions d’euros à l’entreprise dirigée par Christel Heydemann.

Comme rappelé dans un communiqué de l’Arcep, Orange avait pris en 2018 un engagement juridiquement opposable visant à couvrir en fibre optique jusqu’à l’abonné 3000 communes dans les zones moins denses d’initiatives privée du territoire (zone AMII). Au 31 décembre 2020, un minimum de 92% des logements et locaux à usages professionnels devaient être raccordables d’office et au plus 8% de ces logements pouvaient être raccordables sur demande sous six mois. Soit un total de 100%.

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Dans une première mise en demeure infligée à l’opérateur, en septembre 2022, l’Arcep constatait que seuls 88% des logements avaient été effectivement rendus raccordables. Après une longue procédure juridique, et constatant malgré une procédure contradictoire que le groupe ne respecte toujours pas ses engagements, l’Arcep a décidé de passer à l’action. « Le non-respect, par la société Orange de la première échéance de ses engagements, à l’égard de laquelle elle a été mise en demeure, revêt une particulière gravité, en ce qu’il porte notamment atteinte à l’intérêt et à l’aménagement numérique des territoires, et l’intérêt des utilisateurs finals dans leur accès aux réseaux », explique l’autorité dans un communiqué.

La sanction, 26 millions d’euros, est la plus importante jamais donnée par l’Arcep. Elle représente 5 fois le montant de la précédente amende record, infligée pour un litige avec Numericable en 2011. Et elle a le don d’énerver l’opérateur français, qui n’a pas tardé à réagir. Contestant la sanction prononcée à son encontre, le groupe va saisir le Conseil d’État.

Orange trouve la sanction particulièrement injuste et estime avoir rempli ses engagements lors de la mise en demeure de l’Arcep. « Orange avait atteint ses objectifs de déploiement et raccordé plus de 11,371 millions (92%) de locaux prévus (…) La sanction prononcée par l’ARCEP ne repose donc pas sur le volume de déploiements non atteint, note le groupe dans un communiqué ajoutant que la sanction «porte sur une partie des 8% de locaux restants, à savoir 543.000 locaux qui auraient du être déclarés raccordables à la demande au bénéfice des autres opérateurs. Et cela même, alors qu’aucun opérateur commercial ne propose à ce jour à ses clients une telle offre construite sur du raccordable à la demande».

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Furieux, le groupe dénonce une sanction « financière totalement disproportionnée» à son encontre, rappelant qu’il est celui qui investit « le plus dans le déploiement de la fibre en France». Orange s’insurge contre une décision de surcroît contre productive, pouvant selon lui « réduire d’autant le montant des investissements opérés dans le déploiement de la fibre, au détriment des foyers en attente de raccordement». « 26 millions d’euros, c’est le coût pour raccorder une ville comme Caen par exemple», souligne un proche d’Orange.

Le timing de la sanction de l’Arcep n’a rien d’anodin, au lendemain de l’annonce de l’accord entre Orange et l’État, révélé par Le Figaro lundi, mais également au moment même où l’Avicca, association de collectivités engagées sur le numérique, tient depuis mardi sa conférence d’automne. Cette même Avicca, et son président (le sénateur Patrick Chaize), pointe depuis des mois le non-respect par Orange de sa promesse de couverture en fibre optique des zones moyennement dense.

Pointée du doigt par certaines collectivités pour son supposé manque d’émancipation par rapport au premier opérateur du pays et le pouvoir en place, l’Arcep marque ici son indépendance avec une décision radicale qui a surpris au-delà même du groupe Orange. Il faut également replacer cette sanction dans le contexte d’un rapport récent de la Cour des Comptes qui notait que l’appareil répressif de l’Arcep a beaucoup moins été usité sous la présidence actuelle de Laure de la Raudière par rapport à son prédécesseur Sébastien Soriano.

Reste à savoir si cette décision sera appréciée du côté de l’État. Sondé, le cabinet du ministre explique ne pas vouloir «commenter la décision d’un régulateur indépendant. Cette décision traite du passé alors que l’accord que nous avons négocié pendant neuf mois prépare l’avenir». Présent mardi pour l’ouverture du colloque de l’Avicca, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué à la transition numérique, rappelait néanmoins dans son discours sa préférence pour le dialogue et des nouveaux accords par rapport à des procédures de sanctions ou d’amende. Il n’aura pas été entendu par l’autorité.