Il était déjà désigné depuis 2004 comme substance cancérogène avérée, en raison de son rôle dans le cancer du nasopharynx. L’exposition professionnelle au formaldéhyde – aussi appelé «formol» – est désormais officiellement reconnue comme facteur de risque de leucémies myéloïdes, un type particulier de cancer du sang. C’est en tout cas ce que conclut un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) paru mardi. L’autorité sanitaire s’est positionnée en faveur d’une reconnaissance de la leucémie myéloïde comme maladie professionnelle. Cette pathologie se manifeste par une production excessive de globules blancs immatures ou anormaux au sein de la moelle osseuse, et en miroir, une diminution des cellules sanguines normales. Avec environ 900 nouveaux cas par an, ce type de cancer reste rare.

Plusieurs causes de leucémie myéloïde étaient déjà connues : les rayonnements ionisants, le benzène, certaines chimiothérapies, le tabac ou encore certaines anomalies génétiques (trisomie 21, maladie de Fanconi, etc.). Le rôle causal du formaldéhyde avait été soulevé dès 1982 par le Centre international de recherche sur le Cancer, qui l’avait alors classé en «cancérigène probable», avant de le placer dans la catégorie «cancérigène» en 2006. Cette décision faisait suite aux résultats de plusieurs études mettant en évidence une augmentation de l’incidence de cancers nasopharyngés chez des personnes fortement exposées au formaldéhyde.

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Mais si cette substance était déjà jugée cancérigène par différents organismes internationaux, son implication dans l’augmentation du risque de leucémies faisait encore débat. En 2021, plusieurs ministères (Santé, Travail) ont alors sollicité l’agence d’expertise sanitaire, l’Anses, afin de guider leur décision de reconnaître ou non la leucémie myéloïde en lien avec une exposition professionnelle au formaldéhyde comme une maladie professionnelle. Décision qui ouvrirait alors aux travailleurs concernés le droit à une indemnisation. Après avoir analysé les données disponibles, l’Agence a finalement conclu à «une relation causale avérée entre l’exposition professionnelle au formaldéhyde et les leucémies myéloïdes». Elle ouvre clairement la voie à la reconnaissance en maladie professionnelle des leucémies myéloïdes développée au contact du formaldéhyde.

Certains n’ont pas attendu cette décision. En effet, 8 demandes d’indemnisation ont été répertoriées entre 2011-2021 en France. Trois d’entre elles ont obtenu un avis favorable (un exploitant agricole, un ouvrier de fabrication et un ouvrier qualifié travaillant dans le bois). Ce qui reste très peu. «Ces dix dernières années, peu de demandes de reconnaissance de maladie professionnelle ont été formulées concernant les leucémies myéloïdes», note l’Anses. Une tendance qui pourrait s’expliquer par une «connaissance très inégale» des risques professionnels par les hématologues, ainsi que par la «complexité des démarches médico-administratives pour les victimes» ou encore «la difficulté de tracer les expositions professionnelles au formaldéhyde», notamment pour certains professionnels comme ceux du nettoyage.

Le formaldéhyde est une substance qui a de multiples usages : il sert de désinfectant, de conservateur (prévention du développement de micro-organismes), d’agent de lutte contre certains nuisibles (les insectes)… Mais surtout, il est très largement utilisé pour la synthèse de résines et de thermoplastiques. On en retrouve donc de nombreux secteurs d’activité. «Par exemple, en tant que désinfectant en milieu hospitalier et en agriculture, en tant que conservateur, notamment en thanatopraxie et dans de nombreux produits tels que des détergents, peintures, médicaments humains ou vétérinaires, en tant que fixateur en anatomie et cytologie pathologiques humaines», liste l’Anses dans son rapport. On retrouve aussi du formaldéhyde dans certains produits ou résines utilisés dans l’industrie du bois, du texte ou encore du caoutchouc. Outre son caractère cancérigène, cette substance est irritante pour la peau et les yeux, voire caustique à forte concentration. Il peut provoquer des allergies cutanées (eczéma de contact, urticaire) et respiratoires (rhinite allergique, asthme).

En France, depuis 2007, les employeurs ont l’obligation de substituer le formaldéhyde dès que cela est techniquement possible. Dans le cas contraire, ils doivent mettre en œuvre tous les moyens de protection possible (système clos, ventilation, équipements de protection individuelle, information du personnel…). Une valeur limite d’exposition a également été établie. Du fait de ces évolutions réglementaires salutaires, la part des travailleurs exposés a diminué. Mais «certains secteurs présentent encore des niveaux d’exposition élevés, tels que la fabrication [de certains] meubles et industries connexes de l’ameublement, les travaux de charpente, les services funéraires, la fabrication de placage et de panneaux de bois, etc.», précise l’Anses.