Changement d’échelle pour Laurent Gaudens, le fondateur en 2018 de l’institut parisien de bien-être et de beauté inclusif Dulcenae. L’entrepreneur de 54 ans s’apprête à procéder à sa première levée de fonds, pour dupliquer son concept en province, en ouvrant dans un premier temps deux établissements en propre à Nantes et Lyon.
Niché au rez-de-chaussée d’une paisible cour intérieure du 9e arrondissement, l’institut de 100m² est accessible aux personnes à mobilité réduite. Si Dulcenae, compte «70% de madame et Monsieur tout le monde parmi sa clientèle», comme l’indique son créateur, l’institut a été spécialement conçu pour accueillir des personnes présentant des particularités, pour lesquels des protocoles de soins spécifiques ont été élaborés. L’établissement est mixte, mais sa fréquentation est majoritairement féminine. Nombre de clientes ont été confrontées à l’épreuve d’un cancer, dont le cancer du sein plus particulièrement. D’autres présentent des peaux singulières (eczéma, psoriasis, cicatrices, etc…) ou des handicaps sensoriels ou moteurs.
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C’est notamment parce qu’il a vécu une expérience très désagréable dans un spa, que Laurent Gaudens, brûlé sur 60% du corps à l’âge de quatre ans, dans un accident de barbecue, a eu l’idée de créer Dulcenae. Ne supportant pas la vue de ses cicatrices, une employée avait refusé de s’occuper de lui, en des termes indélicats.
Concomitamment, la chirurgienne qui le suit depuis plusieurs années, impressionnée par son évolution professionnelle, l’incite à témoigner auprès de grands brûlés, qui manquent bien souvent de confiance en eux pour se réaliser. Après avoir œuvré pendant une vingtaine d’années chez PSA, Bouygues Telecom, et SFR, dans la gestion de la relation client, Laurent Gaudens est alors à la tête d’une société qu’il a créée dans ce domaine. Séduit par l’idée de son médecin, il fonde Burns and Smiles, une association qui accompagne les grands brûlés, et mène des campagnes de sensibilisation pour faire évoluer le regard sur ce sujet. Il y découvre, au gré des rencontres, la profession de socio-esthéticienne, dédiée aux soins esthétiques des personnes fragilisées.
Il décide alors de vendre sa société de conseil et d’investir dans la création d’un établissement pouvant accueillir des personnes ayant des particularités physiques. «J’avais pu constater deux choses. Non seulement ces profils se bridaient eux-mêmes parce qu’ils ne voulaient pas imposer aux esthéticiennes la vision de leur corps meurtri, mais en plus dans les instituts, le personnel n’était pas formé à ce type de public, avec lequel il était bien souvent maladroit, tant dans les gestes que dans les mots», pointe Laurent Gaudens.
Ainsi chez Dulcenae, une personne anorexique ne se verra pas conseiller «de manger un peu plus», pas plus que quelqu’un en excès de poids ne subira l’affront d’entendre une esthéticienne lui dire «j’espère que ma table de massage va résister», comme cela est déjà arrivé à certaines clientes dans d’autres instituts.
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Comme les trois salariées de l’établissement, Sophie Massé, l’épouse de Laurent Gaudens, auparavant professeur des écoles, s’est elle aussi formée à la socio-esthétique, et accompagne son mari dans cette aventure. «Nous avons mis un peu de temps avant de faire comprendre la spécificité de notre institut, capable de s’adapter à tous. Beaucoup de femmes viennent entre copines. Nous accueillons aussi aidants familiaux et aidés, qui se présentent en même temps pour des soins, chacun de leur côté», souligne-t-elle. Le couple a le souci du détail. Les trois spacieuses cabines de soins sont notamment équipées de miroirs en triptyque qui peuvent se refermer, si la personne préfère ne pas y voir son reflet, et de discrets porte prothèses capillaires.
Avec un chiffre d’affaires annuel de 200 000 euros, le couple ambitionne dans de créer sa propre marque de soins et de développer son réseau en franchise, une fois leurs premiers instituts bien implantés en province. Il table sur dix-huit établissements dans les cinq prochaines années. «Nous aimerions proposer nos premières franchises à nos salariées, qui sont formées à nos protocoles», précise Laurent Gaudens.