Le cheval de Troie des Jeux Olympiques. Fomenté par cinq collectifs opposés à la tenue de l’évènement sportif planétaire, ce plan de noyautage s’intitule «Pas de bénévoles pour les JOP 2024 : un tutoriel pour gâcher leur campagne de travail dissimulé». Dévoilée publiquement au printemps dernier dans une tribune publiée par Basta, la stratégie repose sur l’«entrisme», une technique d’infiltration bien connue des trotskistes des années 1920. L’idée ? Dynamiter de l’intérieur l’organisation des Jeux. Pour cela, les collectifs signataires appelaient alors leurs militants à se porter candidats pour rejoindre les rangs des 45.000 volontaires, ces petites mains bénévoles qui «joueront un rôle clé dans la réussite des Jeux de Paris 2024», présente le site de l’évènement. Et débrayer le jour J.

«Comment un méga évènement sportif aussi lucratif pour ses organisateurs et ses sponsors peut-il reposer sur tant de bénévoles et de service civique ?», interrogent les organisations dans leur tribune, cosignée par le cégétiste Gérard Filoche et l’élue écologiste francilienne Annie Lahmer. Pour eux, «les missions des bénévoles pendant l’évènement [étant] du travail, la présomption de salariat est totale». Alors pour «empêcher cette entreprise antisociale de bénéficier du travail gratuit de milliers de personnes», les militants entendent bien miner le terrain. «Nous appelons donc toute personne à candidater», puis au choix à ne pas s’y rendre, faire grève en demandant d’être rémunéré, aller aux prud’hommes, faire “grève de zèle” ou encore dénoncer publiquement la situation sur place. Le plan est d’avancer masqué, de passer les formations obligatoires et les enquêtes de police, et faire faux bond au dernier moment. Une adresse email a même été créée pour conseiller tous ceux qui rencontreraient des difficultés pour s’inscrire et permettre également de coordonner les actions des faux volontaires.

Et les préparatifs semblent bien avancer. «On a eu énormément de retours de personnes qui se sont portées “involontaires”, et pas forcément des militants, avance Arthur, membre du collectif Saccage 2024 au Figaro, Actuellement, on a un candidat validé par le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) dans presque tous les postes clé». Si les formations obligatoires et les enquêtes de police écumeront certainement une bonne partie des faux volontaires, «l’action est déjà une réussite médiatique : la lumière a été mise sur ce travail dissimulé», sourit cet habitué des manifestations anti-JO.

La menace d’une cinquième colonne au cœur de l’armée de 45.000 volontaires ne semble pas inquiéter le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. «L’exercice des missions de volontariat aux Jeux de Paris 2024 s’effectuera dans un cadre extrêmement précis et encadré», rassure Alexandre Morenon-Condé, responsable du programme volontaires de Paris 2024. Avec plus de 300.000 candidats, le Cojop a l’embarras du choix. Les profils recommandés par les fédérations sportives seront d’ailleurs sectionnés en priorité, pour éviter au maximum les mauvaises surprises. Surtout qu’est prévue «une équipe de volontaires mobilisables en cas de désistement, qui pourront si cela est nécessaire, venir réaliser des missions pendant les Jeux». Et les «volontaires accrédités feront l’objet d’une enquête administrative par les services de l’État habilités», renchérit Alexandre Morenon-Condé.

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Une sérénité qui n’empêche pas les critiques. «Des milliers de gens qui participent à une gigantesque machine à profit, sans être salarié mais avec une hiérarchie à respecter, c’est un détournement de l’esprit du bénévolat», fustige Alexis Corbière interrogé par Le Figaro. Pour le député LFI qui s’était emparé du sujet en août dernier, il est inconcevable que «les amoureux du sport qui se porteront volontaires ne puissent pas assister aux évènements». «Il n’y aura presque pas de contrepartie, seuls leurs trajets en Île-de-France seront dédommagés», renchérit l’élu de Seine-Saint-Denis, «ils travailleront six jours sur sept, devront se loger à leur frais… S’ils les payaient à des taux horaires basiques, ce serait moins de 1% du budget».

Seulement, comme le précise bien la Chartre du volontariat olympique et paralympique, «l’engagement du volontaire étant par nature bénévole, il réalise sa mission en dehors de tout lien de subordination juridique permanente, et il accomplit les tâches qui lui sont confiées sans contrepartie financière ni compensation d’aucune autre nature». Et «le droit est très clair», expliquait Maud Simonet, directrice de recherche en sociologie au CNRS et spécialiste du bénévolat dans le journal l’Option, «à partir du moment où il peut être montré qu’il y a subordination, nous ne sommes plus dans le cadre d’une activité bénévole mais dans celui d’un contrat salarié. En l’absence de contrat, il s’agit de travail dissimulé». Seul bémol pour les organisateurs, le volontariat se définit entre autres par «une indemnité en contrepartie de cet engagement, qui n’est pas assimilable à un salaire», comme le précise le site du ministère de l’Éducation. En somme, les Jeux doivent en valoir la chandelle.