Un premier accord entre le Hamas et Israël a été annoncé mardi soir. Le gouvernement israélien a obtenu la libération de 50 otages aux mains du Hamas, en échange de 150 prisonniers palestiniens et d’une «pause humanitaire» à Gaza. Cette pause débutera «dans les prochaines 24 heures et durera quatre jours, avec possibilité de prolongation», a précisé le ministère qatari des Affaires étrangères sur X. Cet accord a été permis par une médiation menée par le Qatar, l’Égypte et les États-Unis.

Pour rappel, environ 240 Israéliens ont été enlevés lors de l’attaque sanglante lancée le 7 octobre contre Israël par le mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza. Et plus de 5100 Palestiniens sont prisonniers en Israël, parmi eux, des combattants islamistes du Hamas.

Le groupe terroriste palestinien a salué l’accord, mais a préféré parler de «trêve humanitaire», quand Israël et le Qatar évoquent une «pause». La Chine et la Jordanie ont quant à eux évoqué un «cessez-le-feu» dans leurs communiqués. Termes qui ne renvoient pas exactement aux mêmes réalités.

Une trêve ou une pause humanitaire signifient «une suspension temporaire des hostilités, convenue entre les parties au conflit à des fins purement humanitaires», définit sur son site le Comité international de la Croix-Rouge. Une différence sémantique demeure néanmoins entre les deux termes, souligne Françoise Bouchet-Saulnier, conseillère stratégique en droit international humanitaire pour Médecins sans frontières et auteur du Dictionnaire pratique du droit humanitaire (Ed. La Découverte). Car «le terme de “trêve” renvoie au vocabulaire militaire, à l’arrêt des combats», alors que le mot «pause» est «moins chargé militairement».

La présence de l’adjectif qualificatif «humanitaire» après ces deux termes prouve que l’un des objectifs de cet accord entre Israël et la Hamas est «la facilitation des opérations de secours». Dans le cas du conflit actuel, le qualificatif «humanitaire» montre en effet «que l’intention de cette pause temporaire des hostilités n’est pas seulement destinée à assurer la sécurité lors de la libération des otages et de l’échange des prisonniers, mais aussi à permettre l’entrée et la circulation de convois» dans la bande de Gaza.

À lire aussiConflit Hamas-Israël : comment se sont déroulées les négociations de libération d’otages

Mais pour Françoise Bouchet-Saulnier, cet adjectif est utilisé de façon ambiguë dans cette opération, car le «caractère humanitaire de cette pause dans le conflit est encore au stade embryonnaire». «Si on doit se réjouir d’une libération d’otages et d’échange de prisonniers, qui se font selon le droit humanitaire», Françoise Bouchet-Saulnier s’inquiète «du fait que le droit au secours de la population de Gaza, qui est inconditionnel dans le droit des conflits armés, soit en réalité soumis aux succès des négociations politico-militaires entre les parties». Depuis le 21 octobre et l’ouverture du passage de Rafah, 1353 camions ont pu entrer dans le territoire palestinien, soit 42 par jour en moyenne, a indiqué hier le Croissant-Rouge palestinien sur X.

Le cessez-le-feu est «une cessation des hostilités décidée par les parties prenantes du conflit, ou décrétée unilatéralement par l’une d’entre elles», explique la conseillère stratégique en droit international humanitaire. Ce terme est généralement employé dans le cadre «d’une négociation de paix». Or, la négociation menée ici par la médiation de l’Égypte, le Qatar et les États-Unis «est plus limitée». «Elle ne concerne que la libération d’otages et une cessation des hostilités pendant quelques jours pour faciliter les échanges de personnes et le passage de convois de secours», poursuit l’experte.

En réalité, le choix du terme adéquat «a peu d’importance», analyse Françoise Bouchet-Saulnier, «car cela relève davantage d’une stratégie de communication». Chaque État choisit le terme qu’il emploie en fonction «de ce qu’il souhaite voir se réaliser». Par exemple, la Chine et la Jordanie ont utilisé le terme de «cessez-le-feu» dans leurs communiqués ce matin, «certainement car ils espèrent une négociation de paix entre le Hamas et Israël». A contrario, employer les termes de «trêve» ou de «pause» laisse sous-entendre que «la guerre n’est pas finie». C’est le choix qu’a fait Israël en parlant de «pause» dans son communiqué, publié sur le site du cabinet du premier ministre. «Benyamin Netanyahou a d’ailleurs affirmé qu’Israël allait reprendre les combats après la libération des otages», éclaire Françoise Bouchet-Saulnier.

Pour la conseillère stratégique en droit international humanitaire, la question importante qui se pose aujourd’hui est : «L’accord va-t-il être respecté ?» C’est-à-dire, «la sécurité sera-t-elle réellement assurée lors des échanges d’otages et de prisonniers ? Et les convois humanitaires vont-ils enfin être autorisés conformément au droit humanitaire, sans être pris pour cibles ?» Le respect de ces engagements de sécurité doit ainsi être «surveillé» et «vérifié», exhorte-t-elle.