«J’ai le mal de mer, je n’aime pas quand ça bouge et j’aime le calme plat !» La pétole, cette zone où les vents sont absents est la hantise de n’importe quel navigateur en quête de vitesse. Pas de Charles Caudrelier, visiblement. L’un des géants actuels de la course au large, vainqueur de la Route du rhum 2022, se confie sur ce rapport si particulier entretenu avec la mer d’huile alors qu’il bat régulièrement des records de vitesse à 45 nœuds sur son trimaran géant Maxi Edmond de Rothschild. L’un des nombreux témoignages recueillis par Antoine Grenapin, auteur de Déclarations d’amour à la mer (Editions Hugo Sport).
L’auteur avait habitué son public à des récits sur les héros de la course au large en compagnie du fidèle Dino Di Meo. Cette fois, la compétition est restée attachée au ponton. L’auteur largue les amarres pour explorer le lien intime entre les océans et tous ceux qui les côtoient d’une manière ou d’une autre au quotidien ou plus sporadiquement mais à chaque fois de manière intense. «C’est le plus beau des royaumes», glisse le reporter parti à la rencontre de nombreux navigateurs, de champions de la glisse connus du grand public (Isabelle Autissier, Franck Cammas, Catherine Chabaud, Justine Dupont, Fançois Gabart, Loïck Peyron et bien d’autres) qui occupent une belle place dans le livre de 238 pages.
Loin du monde de la compétition, Antoine Grenapin a tendu son magnétophone à une foule de personnalités et d’anonymes pour obtenir cinquante témoignages et autant de rapports intimes avec la grande bleue. «J’avais surtout envie d’alterner des gens connus mais aussi inconnus du grand public. L’idée ce n’était surtout pas d’obtenir cinquante témoignages qui racontent la même chose. Au fil de mes entretiens, je n’ai d’ailleurs jamais ressenti cela », explique le reporter passé par RTL, Le Point ou encore Paris Match.
Au rayon des témoins les plus célèbres, on retrouve par exemple le chanteur Laurent Voulzy, les acteurs Charles Berling ou encore François Damiens. L’occasion pour le comédien belge de dévoiler un côté méconnu de sa personnalité. « Je me suis battu toute ma vie pour essayer d’être libre et il n’y a pas meilleur endroit pour le ressentir que sur un bateau », avoue l’humoriste, grand admirateur des skippers et qui prend la mer dès qu’il le peut pour déconnecter.
Le livre fait des détours avec un écrivain (Erik Orsenna), une philosophe (Laurence Devillers), un ancien ministre (Nicolas Hulot) parmi d’anciennes gloires du sport français comme Bixente Lizarazu, amoureux de l’océan. «Quand ma carrière de footballeur s’est terminée et que j’ai débuté ma deuxième vie, j’ai multiplié les sorties en plongée et les road-trips en surf. Les sports nautiques m’ont aidé à tisser un lien fort avec l’océan, ils ont éveillé ma conscience et mon amour pour la nature et de la Polynésie», explique «Liza».
Boris Diaw, a, lui, décidé de parcourir le monde à la voile après sa carrière de basketteur en NBA. «Une rencontre magique car pendant trente ans, on lui a dit ce qu’il fallait manger, à quelle heure il devait se coucher et se réveiller pour prendre l’avion pour aller jouer des matches… Et il confie aujourd’hui que le meilleur endroit où il est au monde c’est sur son bateau, seul.» Tellement isolé que le géant se coupe volontiers de ses semblables pendant de longues périodes. «Ça a été compliqué à l’avoir parce qu’il ne regarde pas son smartphone», avoue en souriant Grenapin,
L’ouvrage illustré fait aussi sortir le lecteur des sentiers battus vers des horizons peu communs. Le sel de l’ouvrage sans aucun doute. On part en plein océan sur le pont du porte-avions Charles-de-Gaulle en compagnie de Sébastien Martinot, ex-commandant de ce fleuron de la Marine Nationale, «un homme qui a la mer au cœur», insiste l’auteur. On revient sur terre en compagnie de Serge Coatmeur, un gardien solitaire de phare qui a vécu quarante ans les yeux rivés vers l’océan, «homme seul et isolé mais connecté car il a dédié sa vie à protéger les autres», avant de s’installer dans les cuisines du chef étoilé Christopher Coutanceau. On fait aussi escale dans le petit atelier de Dominique Abraham qui a dédié sa vie à peindre la mer et rien que la mer ou dans le studio de Molécule, l’artiste qui rêvait «de mettre la tempête en musique» après avoir passé plus d’un mois dans un chalutier au Groenland.
La mer comme source d’inspiration mais aussi comme sujet d’étude auprès d’un explorateur célèbre Jean-Louis Etienne, de scientifiques en tous genres, qu’ils soient biologiste, météorologue ou encore océanographe, comme Véronique Sarano. Cette femme dédie depuis dix ans sa vie aux cachalots après avoir fait partie de l’aventure des expéditions du commandant Cousteau. «Elle suit ces cétacés qu’elle revoit tous les ans comme une famille, connaît leurs noms, les mères avec leurs petits, comprend toutes leurs interactions sociales. Une plongée fascinante dans le monde de l’intelligence animale», décrit l’auteur de ce recueil rassembleur car «personne ne peut rester insensible face au spectacle de la mer», confie-t-il, avant de conclure : «Nous avons tous un rapport particulier avec cet élément. Il en ressort toujours de la beauté, tout simplement. Et comme toute chose qui est belle, il faut se battre pour sa préservation. S’il devait y avoir un dénominateur commun à ces cinquante témoignages ce pourrait être celui-là.»
Déclarations d’amour à la mer, Antoine Grenapin, Hugo Sport, 24€95.