L’épigraphe donne le ton. En tête de son ouvrage, Jacline qui? Réponse à Éric Zemmour (Éditions Bouquins), préfacé par Michel Onfray, Jacline Mouraud a choisi une citation de Cléobule de Lindos : «Considère comme un ennemi public quiconque hait le peuple.» Éric Zemmour appréciera. Car la conclusion de l’auteur est sans appel : «Reconquête est devenu un énorme foutoir, il n’y a pas d’autre mot.». L’ex-figure de proue des «gilets jaunes», membre du comité politique du candidat pendant la campagne présidentielle, publie, mi-mars, un livre incendiaire, que Le Figaro a pu consulter, et dans lequel elle revient sur son expérience à Reconquête, et sur les dysfonctionnements internes au mouvement. Dans un récit mêlant éléments privés, positionnement antivax, scènes de vie de campagne et appréciations personnelles, Jacline Mouraud livre sa version de la campagne zemmouriste.

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Son sentiment, d’abord, d’avoir été méprisée, pendant les mois de campagne, par la garde rapprochée d’Éric Zemmour, à qui elle n’aurait pas réussi à faire entendre la nécessité de s’adresser aux classes populaires, qu’elle prétendait pourtant représenter. Elle relate des échanges difficiles, des SMS restés sans réponses, des discussions qui se sont envenimées, ou son éviction de certaines photos officielles. Un changement de ton, aussi, que l’auteur décrit avec un certain ressentiment. D’abord, ce mois de décembre 2021, où Éric Zemmour la pousse à lui apporter son soutien officiel, précisant : «C’est maintenant que j’ai besoin de vous». Puis cette réunion d’avril, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, où le candidat déçu lui aurait lâché : «Mais ma chère Jacline, personne n’est jamais venu me dire qu’il avait rejoint Reconquête parce que tu étais là !». «La France populaire ne les intéresse pas. (…) Ils n’ont d’yeux que pour les sympathisants du Rassemblement national et des Républicains, encartés, alors que je parle des électeurs qui se décident le dimanche dans l’isoloir, qui se moquent des réseaux sociaux, qui sont épuisés par le mépris des élites», conclut Jacline Mouraud, évoquant son sentiment d’avoir été instrumentalisée.

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De cette «candidature ratée», elle livre quelques scènes. Comme cette fois où elle a tenté d’agréger le soutien des milieux royalistes grâce à l’une de ses contacts rencontrée sur le terrain, et que le dossier a été «balayé de la main». Ce moment où la direction du mouvement lui met des bâtons dans les roues pour présider l’Association des Motards avec Éric Zemmour… Cette autre fois, où excédée, elle fait part de son souhait de quitter l’aventure mais est retenue in extremis par Philippe de Villiers. Tous ces moments où Marion Maréchal, Guillaume Peltier et tant d’autres ont promis de travailler avec elle… sans jamais la rappeler. Et ces dysfonctionnements, également, sur le terrain, pour les élections législatives où certains candidats ont dû faire campagne avec «deux articles imprimés» faute d’avoir reçu les affiches.

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Une accumulation de failles qui, selon elle, forment une aventure ratée. En raison, notamment de la mainmise d’un cercle parisien restreint sur le processus décisionnaire. D’une personne, précisément, sur laquelle la rancœur de Jacline Mouraud se focalise : une certaine Sarah Knafo. «Pas une virgule, pas un mot, pas une décision n’échappe à la science infuse de la compagne d’Éric Zemmour. (…) Son omniprésence et sa mainmise sur tout auront été le problème majeur de la campagne électorale.» Amère sur la façon dont s’est terminée la campagne, et le mépris affiché par Éric Zemmour lorsqu’il a feint d’oublier son nom, sur le plateau de CNews, Jacline Mouraud conclut son ouvrage comme elle l’a débuté, par un message. «Après un an de collaboration, Éric Zemmour s’est posé la question : “Jacline qui ?” Il a maintenant la réponse.»

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