4 euros le ticket de métro, 16 euros par jour le passe «Paris 2024» : c’est peu dire que la tarification spéciale des transports franciliens durant les Jeux olympiques 2024, annoncée lundi soir par Valérie Pécresse, ne fait pas l’unanimité. Sur les réseaux sociaux, internautes comme personnalités politiques de gauche hurlent contre ces envolées, qui auront cours du 20 juillet au 8 septembre prochain, soit sur toute la période du début des JO à la fin des Jeux paralympiques.

«C’est donc cela les jeux 100% accessibles en transports en commun ? Des métros et des bus réservés aux plus riches ?», a fustigé sur X (ex-Twitter) David Belliard, adjoint écolo à la mairie de Paris. «Privatisation programmée, prix du ticket de métro doublé, quand les logiques libérales commandent, les Franciliens trinquent !», a lui cinglé le secrétaire national du PCF et député du Nord, Fabien Roussel. La députée LFI du Val-de-Marne, Clémence Guetté, a critiqué «un cadeau de la droite et des macronistes réunis», estimant que «le désastre annoncé se précise !»

Une nouvelle tarification qui passe d’autant plus mal que, comme l’a pointé l’économiste du sport Pierre Rondeau sur X, le dossier de candidature de Paris 2024, remis en 2017, prévoyait la gratuité des transports en commun pour les détenteurs de billets, sur l’ensemble du réseau d’Île-de-France, le jour de la compétition concernée. «L’annonce de lundi semble plutôt relever de l’opportunisme économique qu’autre chose et va à contre-courant de la tendance qui vise plutôt à privilégier la gratuité des transports pour inciter à l’utilisation de modes de transport décarbonés», juge auprès du Figaro Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. Pour l’économiste, cette polémique «illustre la difficulté de coordonner toutes les parties prenantes des JO (Paris 2024, Région, Île-de-France Mobilités…)».

Et en effet, du côté d’Île-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des transports en commun franciliens, on affirme «ne jamais s’être engagé à la gratuité des transports pour les porteurs de billets». «IDFM a toujours refusé la gratuité des transports quel que soit le cadre», martèle-t-on, renvoyant la responsabilité aux organisateurs des JO, soit le comité Paris 2024. IDFM affirme également que Paris 2024 a renoncé à la gratuité promise en décembre 2022, après avoir «révisé ses équilibres financiers afin de dégager des marges de manœuvre permettant de faire face aux surcoûts imprévus de l’inflation et de se concentrer vers les dépenses clés».

Paris 2024 corrobore cette version : «L’an dernier, à l’occasion de la révision budgétaire des JO», le choix avait finalement été fait d’«optimiser le budget des Jeux» et de réaliser un certain nombre d’«économies afin de financer l’inflation». C’est dans ce contexte que la décision avait été prise de revenir sur la gratuité des transports pour les détenteurs de billets, évaluée à 45 millions d’euros. Une gratuité qui par ailleurs, selon Paris 2024, «n’était pas de nature à inciter un changement de comportement par rapport aux détenteurs de billets», dans la mesure où les transports en commun seront déjà, durant cette période, le moyen de déplacement le plus adéquat pour eux. «C’est la première fois dans l’histoire des Jeux que les gens pourront se rendre à 100% des épreuves en transports en commun», souligne-t-on en effet chez IDFM.

Par ailleurs, l’autorité régionale justifie cette tarification spéciale par le renforcement de 15% de l’offre de transports durant les Jeux. «Les visiteurs payeront le juste prix pour ces milliers de trains et milliers de métros en plus», indique-t-on du côté de l’autorité présidée par Valérie Pécresse, estimant leur surcoût à 200 millions d’euros. «Il n’est pas question que les Franciliennes et les Franciliens payent ce coût», a déclaré la patronne LR de la région Île-de-France dans une vidéo publiée sur X.

C’est là que se niche la défense d’Île-de-France Mobilités : beaucoup de Franciliens ne subiront aucune hausse. «Pour tous les abonnés mensuels, annuels, Imagine’R ou encore senior, soit 5 millions de personnes, cela ne change rien», rassure-t-on. En revanche, les usagers occasionnels sont appelés à anticiper pour ne pas subir ces hausses. Soit en souscrivant au contrat Liberté – sorte de passe Télépéage pour les transports en commun parisiens – ou bien en achetant les tickets à l’avance, avant le 20 juillet. De plus, IDFM tente de relativiser le montant du passe spécial JO à 16 euros par jour. «Le passe quotidien à Londres, seul réseau comparable à celui de Paris en Europe, coûte 23 euros par jour», souligne-t-on. Et 16 euros, cela reste moins cher, ajoute-t-on, que le coût du passe Navigo jour, à 20,10 euros, et qui passera à 20,60 euros au 1er janvier 2024. Néanmoins, ramené à la semaine, le passe JO coûtera 70 euros, contre 30 euros pour le passe Navigo semaine actuellement.

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Les associations d’usagers des transports franciliens font preuve de davantage de retenue. «C’est plutôt juste qu’il y ait des tarifs plus élevés pendant les Jeux olympiques pour les non-abonnés et les non-résidents. L’offre supplémentaire coûte cher et si ce n’est pas le visiteur qui paie ce sera l’usager du quotidien ou le contribuable», a estimé l’association Plus de trains sur X. Pour Marc Pélissier, président de la FNAUT Île-de-France, «c’est la suite logique de l’accord État-région sur le financement des transports en commun franciliens, dans lequel n’a pas été traité le sujet du surcoût de la desserte spéciale JO». «C’était la moins mauvaise solution. Mais entre la gratuité et le doublement des tarifs, on aurait pu avoir un message un peu plus accueillant», admet-il.

Néanmoins, les associations d’usagers s’interrogent sur la durée de la tarification spéciale, du 20 juillet au 8 septembre. «Ce tarif doublé restera en vigueur entre les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques, donc il va y avoir soit des Franciliens, soit des visiteurs qui viennent pour autre chose que les JO, qui se retrouveront avec ce surtarif», pointe Marc Pélissier. «On ne peut pas augmenter les tarifs, baisser les tarifs, puis les ré-augmenter», argumente-t-on chez IDFM. L’association Plus de Trains, elle, juge que ces tarifs spéciaux ne se justifient pas pendant les Jeux paralympiques, car «il y aura bien moins de visiteurs». Membre du Comité international olympique (CIO) et ayant activement participé à l’organisation de la campagne de soutien pour la candidature de Paris, Guy Drut prend un peu de hauteur : «Plus on approche des Jeux olympiques, plus ce type de débat va s’installer. Il est normal que la tension monte à l’approche de la compétition et que les problèmes à résoudre s’accumulent, en particulier budgétaire. C’était le cas à Rio, à Londres, à Tokyo…»

Quant à savoir s’il s’agit d’une nouvelle polémique liée au prix que coûteront les JO pour les spectateurs, Paris 2024 répond «non», appelant à faire de la pédagogie. «C’est pour éviter une nouvelle polémique qu’on a besoin d’être précis et de rappeler la réalité des choses», souligne les organisateurs des Jeux, qui insistent sur le fait que le passe journée coûtera 16 euros, contre 20,10 euros aujourd’hui. Quant aux usagers occasionnels, qui seront amenés à prendre les transports en commun durant cette période sans participer aux Jeux, ils sont tout simplement invités à «anticiper» leurs déplacements et à prendre leur précaution pour ne pas avoir à payer le prix fort. «Il faut faire de la pédagogie. (…) C’est pour ça qu’on prend le temps de l’expliquer», conclut Paris 2024.