Élisabeth Borne n’a pas eu besoin d’attendre les syndicats pour entendre le mot sensible sonner à ses oreilles. Dès mardi, la première ministre s’est vu demander le «retrait» de sa réforme des retraites, par la voix des chefs du Parti socialiste et des Verts, Olivier Faure et Marine Tondelier, reçus à Matignon. Un prélude à sa rencontre avec l’intersyndicale, mercredi, à la veille d’une onzième journée de mobilisation.

Très attendu, le rendez-vous pourrait toutefois virer au dialogue de sourds. La chef du gouvernement persiste à se dire «à l’écoute de tous les sujets», mais elle a été prévenue par la nouvelle patronne de la CGT, Sophie Binet: si elle ne renonce pas à son projet de loi, adopté par le biais du 49.3, cette réunion «risque d’être très rapide».

Même attitude du côté de la CFDT s’il n’est pas possible d’évoquer la retraite à 64 ans, a mis en garde son patron, Laurent Berger (lire page 4). Les cadres syndicaux préfèrent ne pas faire de pronostics, mais l’un d’entre eux ne croit pas à la menace d’une rencontre de quelques minutes: «Il faut laisser le temps à la première ministre de parler, puis de faire un tour de table. Après, si le gouvernement ne veut pas reculer, cette réunion sera plus proche d’une heure et demie que de trois heures.»

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À Matignon, le cabinet d’Élisabeth Borne se prépare au scénario d’un rendez-vous raccourci. «C’est un risque du dialogue social que la première ministre est prête à prendre, répond son entourage. Chacun campera peut-être sur ses positions. Nous restons dans l’écoute et dans l’ouverture: nous n’envisageons pas de construire la suite sans les syndicats.»

Eux refusent toutefois d’imaginer l’après-retraites sans recul sur l’âge légal. Après s’être à plusieurs reprises plaints de ne pas avoir été reçus par le gouvernement, les responsables syndicaux ont répété mardi leur stratégie, lors d’une réunion au siège parisien de la CFDT. Dans le huis clos des discussions, certains d’entre eux se sont émus de l’absence d’échanges préparatoires avec les conseillers de Matignon – du «jamais vu», selon eux.

Les syndicalistes ont aussi réaffirmé leur ligne: le retrait du texte reste un préalable à la discussion que souhaite ouvrir Élisabeth Borne sur la pénibilité ou le travail. «On ne peut pas faire de pause quand on a un projet de loi qui a été voté, qui est en cours d’examen devant le Conseil constitutionnel», leur a d’avance répondu la première ministre, vendredi, lors d’une visite dans la Nièvre sur l’éducation.

La chef du gouvernement attend toujours la décision de la haute juridiction, prévue le 14 avril. Les syndicats aussi. Si la loi est entièrement censurée, «ce sera très bien», a déclaré Laurent Berger, mardi, dans un entretien à L’Obs.

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Quant à l’hypothèse d’une ouverture de la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP), il juge qu’elle pourrait être «l’occasion de ne pas promulguer cette loi et de repartir sur de bonnes bases». Une option que Matignon affirme pour l’heure ne pas envisager. Dans le camp présidentiel, plusieurs responsables s’inquiètent déjà de la course aux 4,7 millions de signatures nécessaires pour provoquer une consultation, un poison lent selon eux.

D’ici l’été, Élisabeth Borne espère se maintenir à Matignon et tourner la page des retraites avec de nouveaux chantiers: un projet de loi «plein-emploi» sur la qualité de vie au travail, un autre sur la «fin de vie», la loi de programmation militaire, présentée ce mardi en Conseil des ministres…

Ces deux derniers textes devraient figurer au menu de ses discussions avec les ténors des Républicains, que la première ministre recevra aussi mercredi. Éric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau veulent l’inviter à «travailler autrement», sans «précipitation». Pour la première ministre, sans majorité absolue, l’autre casse-tête est politique.