C’est une spécificité, qui désormais inquiète. Sur une année, les Français travaillent nettement moins que les autres Européens. Et ce décalage affaiblit comparativement le pays. Selon une étude de l’institut Rexecode, qui s’appuie sur l’enquête sur les Forces de travail d’Eurostat, seuls les Finlandais octroient plus de temps à leurs loisirs. En 2022, la durée effective annuelle de travail des salariés à temps complet en France atteignait ainsi 1 668 heures, nettement moins que la moyenne européenne ( 1 792 heures) et 65 heures de moins qu’en Espagne, 122 heures de moins qu’en Allemagne, 162 heures de moins qu’en Italie.

«La durée effective de travail des salariés à temps complet en France est inférieure à la moyenne européenne et à celle de ses principaux voisins depuis le début des années 2000. L’écart est assez stable depuis 2005, sauf l’écart avec l’Allemagne, où la durée annuelle du travail effectif a diminué entre 2006 et 2019 tout en restant largement supérieure à la durée en France», écrit Olivier Redoules, directeur des études de Rexecode.

Tous les secteurs d’activité sont concernés, avec une sensibilité plus forte du côté des services. «En Allemagne, la durée de travail des salariés dans le secteur des services non marchands était bien plus élevée qu’en France (170 heures de plus) en 2022. Il s’agit du secteur où l’écart est le plus important après l’agriculture (201 heures de plus par rapport à la France).»

L’influence des lois Aubry sur les 35 heures est en effet impressionnante : en 1999, les Français travaillaient environ 1950 heures, en 2005 moins de 1700. Pendant la même période, les autres États européens ont également réduit leur temps de travail, mais de manière beaucoup moins abrupte. Durant ces cinq ans, l’Espagne est par exemple passée de 2000 à 1900 heures.

Longtemps, les dirigeants français ont pu se flatter d’assumer un choix de société différent que leurs voisins car la forte productivité des salariés compensait, en termes de création de richesse, la faiblesse du nombre d’heures travaillées. Ce n’est malheureusement plus le cas : depuis le Covid, la croissance de la productivité s’est effondrée en France, pour des raisons que les économistes peinent à bien cerner. Depuis, l’allongement du temps de travail est redevenu un sujet de préoccupation politique.