En partant en fumée en 2019, le toit de plomb de la Cathédrale Notre-Dame de Paris a d’abord suscité une grande inquiétude, celle d’une pollution au plomb. Et pour cause: une quantité inconnue de poussières métalliques s’est alors répandue dans la capitale, laissant planer la menace d’intoxication. Pour rappel, l’intoxication au plomb, aussi appelé saturnisme, peut avoir des conséquences très graves particulièrement chez l’enfant, avec des effets neurologiques et des retards de développement. Mais alors que le chantier de rénovation entre dans sa dernière ligne droite, c’est désormais un autre sujet qui fait débat: la pose d’une nouvelle toiture en plomb, actée dès lors que l’on faisait le choix de reconstruire la cathédrale à l’identique, est-elle un choix judicieux? Faut-il s’inquiéter de possibles répercussions sanitaires ?

Interrogé par Le Figaro, Philippe Jost, qui préside l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame, se veut rassurant: «Nous faisons, évidemment, les choses dans le respect de la loi et de la réglementation dans tous les domaines concernés, et la santé de personne n’est mise en danger. Outre une nouvelle protection anti-incendie du meilleur niveau, incluant un système de brumisation dans les combles qui est une première dans une cathédrale en France, nous allons innover en installant un système de recueil et de filtration des eaux de pluie qui auront ruisselé sur la toiture de la cathédrale.»

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Le sujet de la pollution dans la capitale est loin d’être anecdotique. «La pollution au plomb à Paris est réelle, mais le problème date de bien avant l’incendie de Notre-Dame», expliquait ainsi la chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement Sophie Ayrault au Figaro en janvier dernier. En juin 2019, deux mois après l’incendie, l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France avait organisé 1200 dépistages dans les écoles des arrondissements exposés aux fumées. Si 13 cas de saturnisme ont été détectés, tous étaient liés à une exposition au plomb indépendante de l’incendie. Celui-ci a-t-il eu un impact sanitaire? L’équipe de Sophie Ayrault a mené des travaux sur le sujet après avoir réussi à différencier le plomb de la cathédrale, du plomb ambiant, et comparé les quantités des différents plombs dans des échantillons prélevés dans la capitale. Les analyses sont en cours et les résultats devraient être publiés rapidement. Mais plusieurs indices laissent penser que cette pollution serait assez marginale. Par exemple, le plomb de la cathédrale n’est pas du tout présent dans les miels analysés dans les six mois après l’incendie.

Si l’impact de l’incendie est probablement faible, «il a peut-être eu le mérite de refaire parler du problème, souligne le Dr Jérôme Langrand, chef de service du Centre antipoison et de toxicovigilance de Paris. Dans ce contexte, est-ce qu’ajouter une toiture en plomb est une bonne chose ? Si l’objectif est d’éradiquer le plomb de la capitale, la réponse est non. Mais si on se réfère juste à l’impact sanitaire de ce plomb, il sera très marginal, voire nul.»

Et pour cause, le plomb est présent quasiment partout dans Paris, sur les toitures (même si les toits exclusivement en plomb restent rares), les balcons, dans les peintures, certaines tuyauteries… Le plomb reste en effet un très bon isolant et est très résistant à l’usure, il continue donc à être utilisé dans le bâtiment même si cette utilisation est très réglementée.

Quant à l’exposition de la population, d’énormes progrès ont été faits ces deux dernières décennies, notamment avec l’abandon de l’essence au plomb dans les années 1990. «De manière générale il y a eu une prise de conscience du danger et on a mis en place une politique de prévention efficace, explique le Dr Jérôme Langrand. Avec des analyses de taux de plomb dans le sang des enfants et des relogements s’ils habitaient des logements insalubres. Ce qui a porté ses fruits.» Pour autant, le plomb reste très présent. Les dernières estimations (1997-2002) révèlent que la Seine reçoit plus de 100 tonnes de plomb par an, produites majoritairement par les zones urbaines. «Après l’incendie, on a constaté que ce problème concernait aussi des enfants issus de milieux favorisés, continue le médecin. Il faut donc continuer à maintenir un haut degré de vigilance. Ce qui est fait, les cas d’intoxication se maintiennent à des niveaux bas.»