Après l’empathique Agnès Buzyn, atout charme du premier quinquennat Macron souvent comparée à son illustre belle-mère Simone Veil, puis le volubile Olivier Véran présent sur tous les fronts durant le Covid, François Braun succède en juillet 2022 à l’éphémère Brigitte Bourguignon (1 mois et 14 jours) et devient le quatrième ministre de la santé d’Emmanuel Macron. Imperturbable, jamais un mot plus haut que l’autre, avec son physique de «gros nounours», l’ancien chef des urgences de l’hôpital de Metz incarnait une forme de force tranquille. Sans doute trop tranquille. Ce qui lui a valu son poste et de faire partie de la charrette des ministres remerciés parce qu’ils «n’imprimaient pas». Il a été remplacé ce jeudi par Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne.
Il faut dire que la santé, première préoccupation des Français, est à la fois un sujet trop sérieux pour faire le buzz, et trop complexe pour donner lieu à des raccourcis populistes. François Braun paie sans doute le fait de n’avoir cédé à aucune de ces facilités. À 60 ans, dénué d’ambitions politiques mais avec son sang-froid d’urgentiste qui en a vu d’autres – il a participé à de nombreuses évacuations sanitaires -, il est nommé avenue de Ségur en juillet 2022 alors que le système de santé sort éreinté du Covid et que tout est à repenser. Reconnu par ses pairs, ce fils de médecin, petit-fils et arrière-petit-fils de médecins militaires, marié à une femme médecin à la retraite paraplégique, ancien syndicaliste – il a présidé SAMU-Urgences de France pendant 8 ans -, jouit à son arrivée d’un capital sympathie et d’une vraie légitimité.
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Mais «il n’avait pas de vision, pas de programme. Il n’y a pas eu le début de la queue d’une réforme», regrette un professionnel de santé. «Sans doute n’avait-il pas les mains libres. Son bilan est maigre, mais sa capacité d’action était réduite», ajoute un autre. De fait, le Conseil National de la Refondation (CNR) en santé, voulu par le président de la République pour refonder le système, est un échec: il s’englue dans des conférences sans fin, mobilisant des centaines de participants, sans dégager de directions et résultats clairs pour l’opinion.
Nommé pour résoudre la crise des urgences, qui manquent de bras et font face à un doublement du nombre de passages en 20 ans, François Braun a mis en place la régulation par le «15» et le service d’accès aux soins (SAS), qui permet de réorienter une partie des patients vers des médecins de ville. Mais si ce dispositif, prévu dès 2019 par le Pacte de refondation des urgences, a permis de réduire l’afflux de patients de 5% aux urgences, c’est loin d’être la panacée.
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L’hospitalier n’a pas su, non plus, apaiser les relations avec les médecins de ville. Les médecins libéraux sont plus remontés que jamais après l’échec de la négociation conventionnelle sur leurs tarifs réévalués de seulement 1,50 euro. Menée par l’Assurance-maladie, cette négociation suivait scrupuleusement la lettre de cadrage du ministre. Et la reprise des discussions s’annonce compliquée. Résultat, certains médecins appellent au déconventionnement, c’est-à-dire une rupture avec la Sécu qui signerait l’avènement d’une médecine à deux vitesses.
Sans compter que les libéraux ne décolèrent pas contre la loi Rist votée au printemps qui accorde une partie de leurs prérogatives aux paramédicaux, ou la proposition de loi Valletoux qui renforce les contraintes d’organisation territoriale. « Nous avons sans doute mal estimé le malaise de la profession », a reconnu Thomas Fâtome, directeur général de l’Assurance-maladie. La situation reste donc très inflammable.
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Si François Braun est parvenu à faire barrage aux tentatives des députés pour mettre fin à la liberté d’installation des médecins, mesure jugée «à la fois inefficace et contre-productive», il a en revanche imposé aux étudiants une 4e année contestée d’internat de médecine générale dans les déserts médicaux. Le ministre n’a pas davantage su mettre fin au déploiement non régulé des plateformes de téléconsultation, alors même que l’Assurance-maladie appelait à siffler la fin du «Far West» .
La décision du ministre d’encadrer les arrêts de travail délivrés par les plateformes a été invalidée par le Conseil Constitutionnel. Et des groupes privés comme Ramsay proposent depuis plusieurs mois un forfait mensuel à 11,90 euros, donnant accès à des téléconsultations 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, laissant craindre une ubérisation de la santé. Si le ministre le regrette, il n’a rien fait pour l’empêcher.