«Si vous avez des adolescents, attention à ce site où il y a un ramassis de pervers et de pédo-criminels», alerte sur X (anciennement Twitter) une mère de famille. Comme elle, de nombreux parents s’insurgent contre le site rencontre-ados.net, qui propose des échanges entre les jeunes âgés de 13 à 25 ans. Si, déjà, l’écart paraît important, certains profils d’hommes matures n’hésitent pas à mentir sur leur âge pour discuter avec de très jeunes femmes et leur demander des faveurs sexuelles.
Lors de l’inscription, aucune vérification d’âge ou d’identité n’est requise, ce qui permet à n’importe quelle personne de se créer un compte sur le site. «Je viens de faire un profil sans photo avec comme seules informations “fille 13 ans” et j’ai des dizaines d’adultes avec des pseudos hyper suggestifs qui m’envoient des messages en quelques minutes», s’offusque une internaute sur X. Même constat pour une autre mère qui s’est cachée derrière un profil d’une fille de treize ans, qui a reçu «8 demandes d’amis et cinq messages dans la demi-heure». «J’ai envie de violence», lâche-t-elle, en colère.
D’autres parents font des découvertes plus macabres, avec des «hommes qui proposent des viols tarifés à des enfants». Lilly, mère de trois enfants, affiche ainsi sur X l’un des profils qu’elle a croisés sur la plateforme : «Je suis un homme qui cherche du sexe réel en toute discrétion, je paie si il le faut [sic], 150e négociable mais discrétion totale demandée, merci.»
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Ces exemples sont malheureusement loin d’être les seuls sur cette plateforme, créée il y a dix-sept ans. En novembre 2021, Le Figaro y avait réalisé une enquête avec un profil d’une fille de treize ans. Le constat était déjà sans appel, avec des dizaines de messages d’hommes de plus de 30 ans en seulement quelques minutes. À cette époque, le fondateur belge, Thomas Mester, expliquait qu’avec ses 2000 euros de recettes publicitaires mensuelles, il lui était impossible d’engager des modérateurs à plein temps. «Si un problème doit arriver, il arrivera, que ce soit dans la rue ou sur d’autres sites. Les parents ont raison de s’inquiéter que leurs enfants puissent entrer en contact avec des pédophiles», avait-il reconnu de manière déconcertante.
Malgré les multiples alertes à l’encontre du site, il reste toujours accessible en ligne, mais aussi sur les téléphones portables. Une application réservée aux plus de 18 ans est proposée dans le Google Play Store et donc disponible sur tous les téléphones Android. Dans les commentaires, certains utilisateurs alertent sur la présence «de prédateurs sexuels et de pédophiles» tandis que d’autres se plaignent «d’avoir trop de publicités».
Côté gouvernement, ce site est bien connu des enquêteurs de Pharos, la plateforme qui permet de signaler des contenus illicites en ligne. Depuis la création de rencontre-ados.net, ils ont ainsi reçu «409 signalements, dont 129 dans les dernières 24 heures, répartis sur 141 fiches (chaque fiche regroupant les signalements effectués sur une seule personne physique ou morale pour les mêmes faits)», précise au Figaro le ministère de l’Intérieur.
«Lorsque le signalement concerne le site en lui-même, et bien que l’on comprenne l’émotion que l’activité de ce site peut engendrer, il n’y a rien d’illégal dans le fait de permettre à des gens d’échanger, quel que soit l’âge des personnes concernées, complète le ministère, signaler [seulement] le site n’aura donc aucun effet». Il faut ainsi signaler directement les utilisateurs qui auraient un comportement répréhensible, mais qui sont généralement difficiles à localiser.
En plus de la plateforme Pharos, l’exécutif promet d’autres d’actions, comme l’a assuré ce mardi matin sur franceinfo la secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel : «On a plusieurs moyens de répondre : […] réglementer, limiter, vérifier l’âge, responsabiliser les plateformes. C’est un combat que nous menons […] on le conduit pour les sites pornographiques.» «Le contrôle de l’âge, pour les enfants comme pour les adultes, est essentiel. Il faut que la technologie avance. […] c’est une priorité», a-t-elle ajouté. Et de préciser : « L’objectif n’est pas d’interdire certains sites parce qu’on sait très bien que ça conduira les enfants et les ados et les adultes à aller sur d’autres. L’objectif, c’est de réglementer.»
«On est toujours face à la même difficulté», déplore au Figaro Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance. Ces alertes «sont la preuve qu’il faut trouver un moyen de vérifier la majorité ou l’âge pour offrir aux enfants la protection qu’ils méritent». Problème, «les adultes refusent toujours de prouver leur majorité sur Internet» donc l’arsenal juridique «ne peut pas se mettre en place et on tourne en rond», regrette Justine Atlan. Si, aujourd’hui, «les jeunes ont plus de réflexes d’autoprotection», il «ne faut toutefois pas baisser la vigilance et continuer la prévention auprès des nouveaux adolescents».