Après la démission fracassante du ministre de la Santé Aurélien Rousseau opposé au durcissement de l’aide médicale d’État (AME), nouvel émoi chez les médecins mercredi soir à l’écoute d’Emmanuel Macron sur France 5. Alors qu’ils sont actuellement en pleines négociations avec l’Assurance-maladie sur le tarif de la consultation, le président a indiqué qu’il souhaitait mettre fin au paiement à l’acte et favoriser la rémunération forfaitaire. « Il faut sans doute aller davantage à une rémunération , ce qu’on appelle à la capitation, … , plutôt qu’à l’acte isolé, c’est ça, la bonne méthode » a déclaré Emmanuel Macron, lors de son émission mercredi soir sur France 5. Une phrase qui n’est pas sans rappeler les propos du Président, déjà en 2018, lors de la présentation de son plan santé: «je veux que l’exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l’aberration et puisse disparaître à l’horizon de janvier 2022».

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En pleines négociations conventionnelles, reprises en octobre après l’échec d’un premier round en mars dernier, les propos du Président ont remis le feu aux poudres. «Emmanuel Macron souhaite un système de médecine libérale à la capitation. C’est-à-dire que les médecins seront incités à suivre encore plus de patients, avec donc moins de temps par patient», se désole Rudy Vannobel, généraliste à Avranches. «Tiens la capitation ! Toujours plus proche du système anglais NHS, qui a prouvé tous ses travers et dérives», réagit un généraliste. «La capitation mène à des consultations dégradées et à l’augmentation des files actives à l’étranger (Italie, Allemagne, Grande-Bretagne) : il faut savoir ce qu’on veut», observe un autre. «Les médecins libéraux tiennent plus que tout au paiement à l’acte ….il peut garder son paiement à la performance et sa capitation, nous ne l’accepterons jamais», fulmine un rhumatologue.

Du côté des syndicats médicaux, les réactions confirment celles des médecins de terrain. «Entendre le président annoncer que la capitation c’est l’avenir est très étonnant quand nous connaissons les énormes difficultés d’accès aux soins en Angleterre qui a fait de la capitation la base de son modèle de soins, affirme Franck Devulder, président de la CSMF. L’attractivité de la médecine libérale passe par une revalorisation de l’acte médical en tenant compte de sa complexité et par une valorisation de forfait médecin traitant». Pour Agnes Giannotti, présidente de MG France, il n’y a rien de nouveau. «Le président dit ça à chaque fois qu’il prend la parole sur le sujet depuis deux ans», note-t-elle. Pour Sophie Bauer, présidente du SML, ce scénario «ne pourrait qu’aggraver la situation de l’accès aux soins».

Car si le sujet peut paraître technique, il constitue une profonde modification du modèle actuel de la médecine libérale. Depuis le 19e siècle, les médecins français libéraux sont rémunérés à l’acte. Ils ont défendu avec vigueur cette modalité de rémunération contre les velléités, notamment celles des mutuelles, d’introduire des formules au forfait ou d’abonnement, ce que le Président appelle la capitation. Ils ont fait dans la charte de 1927 du paiement à l’acte direct entre patient et médecin, un principe fondamental de la profession. Les médecins de ville veulent ainsi rester des entrepreneurs libéraux et refusent une étatisation de la médecine qui les transformerait en fonctionnaires.

Mais depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont introduit des forfaits dans la rémunération des médecins, afin d’orienter leur pratique et les inciter à respecter toute une liste d’indicateurs. Il existe principalement trois forfaits :

Mais les forfaits, complexes avec de longues listes d’indicateurs à remplir, sont sources de paperasserie et de perte de temps administrative. Surtout, ils sont à la main des pouvoirs publics qui peuvent les modifier à tout moment, raison pour laquelle les médecins s’en méfient et y voient un pas vers une «étatisation» de la médecine.