Dans le huis clos de l’Élysée, ce jeudi 11 janvier à la mi-journée, Emmanuel Macron et Gabriel Attal se penchent sur les derniers détails du nouveau gouvernement. C’est le quatrième rendez-vous de ce type depuis la nomination du successeur d’Élisabeth Borne à Matignon, mardi. Après deux jours de tractations, les deux hommes en conviennent autour de la table : ils veulent une équipe qui incarne le « dépassement » droite-gauche, l’« élargissement » et la « régénération » chers au chef de l’État, dans l’espoir de relancer un quinquennat jugé enlisé.
À 19 h 45, depuis le palais présidentiel, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, énumère les noms de quatorze ministres de plein exercice et délégués. « Moi, ce que je veux, c’est de l’action, de l’action, de l’action », insiste un peu plus tard Gabriel Attal au « 20 heures » de TF1, en promettant de « répondre aux problèmes des Français » et de baisser les impôts des classes moyennes. Le nouveau premier ministre revendique un gouvernement « d’efficacité », « d’énergie » et « de sobriété ». Comprendre : resserré, à un point inédit sous la Ve République. Un acquis temporaire, avant la nomination des autres ministres délégués et des secrétaires d’État.
Symbole d’une droitisation du dispositif d’Emmanuel Macron, au grand dam de son aile gauche, de son partenaire François Bayrou et des chantres du « macronisme originel », une surprise a saisi le camp présidentiel. L’ex-ministre sarkozyste de la Justice Rachida Dati fait son retour, en remplacement de Rima Abdul Malak à la Culture. Ce transfert de la patronne de la droite parisienne, malgré sa mise en examen dans l’affaire Renault, a créé la stupeur. Gabriel Attal a défendu « une femme d’engagement » et mis en avant la « présomption d’innocence ». Une autre ancienne sarkozyste est propulsée à la tête d’un grand pôle social regroupant le Travail, la Santé et les Solidarités : la présidente ex-LR du Grand Reims, Catherine Vautrin. Un repêchage, un an et demi après le fiasco de sa vraie fausse nomination à Matignon.
Rare fidèle d’Emmanuel Macron entrant au gouvernement, le patron du parti Renaissance, Stéphane Séjourné, hérite des Affaires étrangères à la suite de Catherine Colonna. Une opération qui change l’équation des européennes du 9 juin : le chef de file du groupe Renew au Parlement européen était favori pour mener la liste du camp Macron. S’il a promis de garder la main sur la formation présidentielle, il entend se « déporter » du pilotage des européennes « le temps de la campagne ».
Au nom de la continuité, plusieurs membres de l’équipe d’Élisabeth Borne sont maintenus dans leurs ministères. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, qui ont défié Gabriel Attal en affirmant à l’avance rester en place, conservent leur portefeuille. Le premier reste à l’Intérieur. Tandis que Bercy demeure dans le giron du second, qui a annoncé au Figaro récupérer l’Énergie, sans que le sort d’Agnès Pannier-Runacher soit connu. Ont aussi été reconduits Sébastien Lecornu (Armées), Éric Dupond-Moretti (Justice), Marc Fesneau (Agriculture), Christophe Béchu (Transition écologique) et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur).
Parmi les promus, Amélie Oudéa-Castéra élargit son portefeuille des Sports à l’Éducation, laissée en jachère par l’éphémère passage de Gabriel Attal. C’est aussi le cas de Prisca Thevenot, nouvelle porte-parole du gouvernement à la place d’Olivier Véran, désormais cité pour prendre la tête de liste aux européennes. Son nom ne figure pas parmi les désignés, ni ceux d’Olivier Dussopt (Travail) et de Franck Riester (Relations avec le Parlement). Lequel remet ses fonctions à la députée Marie Lebec, benjamine de l’exécutif à 33 ans.
Pour défendre ses choix, Emmanuel Macron s’exprimera « probablement » la semaine prochaine, explique l’un de ses conseillers. Une fois les passations de pouvoirs organisées, Gabriel Attal participera vendredi matin à son premier Conseil des ministres dans ses nouveaux habits. Il doit aussi recevoir les « forces vives » de sa majorité. Celles qu’il devra coordonner à l’Assemblée, où il prononcera un discours de politique générale – sans garantir qu’il sera suivi d’un vote de confiance. Celles qu’il tentera aussi d’emmener aux européennes contre le lepéniste Jordan Bardella.