Considéré comme un proche d’Élisabeth Borne, venu comme elle du PS, Olivier Dussopt aura suivi la trajectoire de l’ex-première ministre. Peut-être un peu trop à son goût. Entrant rue de Grenelle au moment ou cette dernière prenait Matignon, le ministre du Travail quitte le gouvernement en même temps qu’elle. Il est remplacé à son poste par la Présidente de la Communauté urbaine du Grand Reims, Catherine Vautrin. «Je suis fier de ce que j’ai fait, sous l’autorité d’Elisabeth Borne avec des réformes importantes et difficiles», a-t-il tweeté ce vendredi.
Son passage aura donc duré un peu moins d’un an et huit mois. Un laps de temps assez court, mais suffisant pour avoir porté l’une des réformes les plus emblématiques du second quinquennat d’Emmanuel Macron : le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Le dossier était tout autant un signe de confiance qu’un cadeau empoisonné. «Je savais bien qu’en menant cette réforme, je n’allais pas me faire que des amis», euphémisait-il début janvier 2023. Soucieux de débrancher au maximum la contestation, le ministre s’est lancé dans une grande concertation avec les partenaires sociaux lors de l’élaboration du texte, fin 2022. Ou plutôt, il a chargé son cabinet de mener les échanges. «On ne l’a pas beaucoup vu à ce moment-là», se remémore une source patronale. Jamais loin de ses anciens dossiers, Élisabeth Borne – ministre du Travail entre juillet 2020 et mai 2022 – reprend la main sur les négociations mi-décembre. Un premier camouflet pour le ministre.
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Pendant les quatre premiers mois de 2023, les syndicats dans la rue et l’opposition dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale feront vivre un enfer à Olivier Dussopt. Les oppositions de gauche ne pardonnant pas à cet ancien de la maison de se faire le défenseur d’un recul de l’âge de départ. La présentation du texte à la chambre basse mi-février, à la suite d’une procédure accélérée, a ainsi vu la première et à ce jour la dernière perte de sang-froid publique d’un homme pourtant toujours dans la retenue. Devant les députés Nupes qui se levaient et quittaient la salle en chantant «on est là», Olivier Dussopt, rouge de colère, leur avait hurlé : «vous m’avez insulté 15 jours, personne n’a craqué et nous sommes là, devant vous, pour la réforme».
Pour ne rien arranger, le groupe LR, alliés naturels sur le texte, n’aura cessé de donner du fil à retordre au gouvernement. Incapables de suivre avec discipline les consignes données, ils auront obligé le Olivier Dussopt et Élisabeth Borne à multiplier les concessions pour finalement obliger cette dernière à dégainer un 49.3 pour faire adopter le texte.
En parallèle du parcours législatif, le locataire de la rue Grenelle devient l’une des cibles favorites des manifestations, dont plusieurs centaines de milliers selon la police, ou plusieurs millions selon la CGT, battent le pavé à quatorze reprises entre le 19 janvier et le 6 juin. Face au discours bien rodé des syndicats unis pour l’occasion, l’exécutif peine à trouver une réponse convaincante. Soucieux de vouloir montrer que la réforme fera aussi des gagnants, Olivier Dussopt, annonce mi février que 40 000 retraités devraient voir leurs pensions grimper à 1200 euros. Pas convaincu, le député PS Jérôme Guedj découvre que dans les faits le nombre de bénéficiaires devrait quatre fois moins importants.
Sorti essoré de cette période, Olivier Dussopt, toujours main dans la main avec Élisabeth Borne, est chargé de relancer le dialogue avec les partenaires sociaux durant l’été. Les premières semaines donnent des raisons d’espérer. Comme promis, le ministre du Travail fait voter fidèlement un accord trouvé par les partenaires sociaux sur le partage de la valeur. Las, des confrontations houleuses sur l’argent des retraites complémentaires et l’assurance-chômage, viendront briser ces maigres avancées.
Soucieux de relancer une nouvelle fois la concertation, alors que se profile la négociation sur les déroulés de carrière et l’emploi des séniors, le chef de l’État a finalement estimé qu’un changement de visage était nécessaire. Un moyen aussi d’éviter toute mauvaise surprise alors que l’ex-ministre du Travail attend le 17 janvier le verdict d’un procès pour favoritisme.