C’est une carte particulièrement attendue, mais qui pourrait en décevoir plus d’un. Alors qu’Airparif et Île-de-France Mobilités (IDFM) publient ce lundi la toute première cartographie de la qualité de l’air des enceintes ferroviaires souterraines parisiennes, les résultats devraient peiner à satisfaire la curiosité des usagers quotidiens des transports en commun franciliens. D’une part, parce que les mesures n’ont été réalisées que dans 44 stations de métro et de RER et, d’autre part, parce que certaines de ces mesures datent de 2015. Il en ressort néanmoins des données intéressantes pour le grand public. En particulier le fait que les trois stations que sont Belleville, Jaurès et Oberkampf affichent des niveaux de pollution élevés, tandis que 31 stations révèlent des niveaux moyens et 10 stations des niveaux faibles.
«Il y a une vraie volonté d’Île-de-France Mobilités d’afficher de la transparence sur les données de qualité de l’air, notamment dans les espaces intérieurs du réseau», s’est félicité le directeur général d’IDFM, Laurent Probst. Celui-ci relève au passage «qu’il y a des endroits où il y a trop d’émissions de particules, dans lesquels il faut mettre en place des actions» pour y remédier, «et d’autres où c’est moins urgent voire pas utile». «Savoir où il faut agir et où sont les urgences n’est pas un travail simple», concède-t-il, évoquant «des données parfois un peu complexes à obtenir et à traiter».
Un exercice «de transparence et de fiabilité» auquel participe Airparif depuis plusieurs années. «Ce sont des informations fiables collectées avec des appareils capables de mesurer des particules fines , plus petites qu’un cheveu, sur une période suffisamment représentative, en prenant en compte une durée d’exposition des passagers et les recommandations de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, NDLR)», explique Karine Léger. Pour la directrice générale de l’observatoire de la qualité de l’air en Île-de-France, cette «base de travail» doit désormais «servir à informer les citoyens», «permettre d’identifier d’autres stations à traiter» et «faire des recommandations sur les mesures à mettre en place».
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Selon IDFM, cette publication n’est en effet que «la première étape» pour offrir davantage de transparence aux voyageurs et mieux les informer. Plusieurs associations de défense de l’environnement – telles que Respire ou Vert de rage – avaient en effet maintes fois dénoncé la «tromperie» des opérateurs, tels que la RATP, regrettant que ceux-ci ne communiquent pas suffisamment aux usagers les données relatives à la pollution de l’air. Selon Laurent Probst, il s’agit maintenant de déployer des actions concrètes pour lutter contre la pollution de l’air sur les réseaux, en priorité dans les trois stations les plus polluées.
«Identifiées comme prioritaires» par la RATP, ces trois stations vont faire l’objet de «mesures particulières» en 2024. Au programme : le renouvellement d’un ventilateur à la station Belleville, l’augmentation de la puissance d’un ventilateur déjà mis en place et le renouvellement d’un autre à la station Jaurès, et l’installation de deux nouveaux ventilateurs doubles à la station Oberkampf. Et partout ailleurs, une quarantaine de ventilateurs du réseau de la régie parisienne «sont en cours de renouvellement ou verront leur capacité de ventilation augmenter».
En outre, l’autorité organisatrice des transports en commun franciliens va déployer «d’autres dispositifs», dont certains sont «expérimentaux», tels que des purificateurs d’air. Elle prévoit également de remplacer les systèmes de freinage à partir de 2024 sur l’ensemble des rames du RER A et du RER C, avec des matériaux beaucoup moins émissifs, puis «le plus rapidement possible» sur les lignes de métro dont les matériels roulants ne disposent pas de freinage électromagnétique de dernière génération. C’est-à-dire les MP89, MF01 ou MF05, qui roulent sur les lignes 1, 2, 4, 5 et 9.
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Du côté de la RATP, qui a pourtant fourni l’ensemble de ses données à Airparif en vue de l’élaboration de cette cartographie, on relève tout de même que celle-ci «ne peut en aucun cas être utilisée pour en tirer des conclusions sur un potentiel de dangerosité». Pour Sophie Mazoué, responsable développement durable à la RATP, «ces travaux ne reflètent pas l’exposition réelle des voyageurs, ni des salariés». Ces mesures «ont uniquement été réalisées sur les quais en 2019 et en 2021» et «ne sont pas représentatives du parcours type des voyageurs» qui empruntent à la fois les couloirs, les quais mais aussi les rames, explique-t-elle. En interne, la régie des transports appelle à attendre la publication, attendue dans quelques mois, des premiers résultats de la campagne lancée fin octobre et censée mesurer le niveau de pollution à l’intérieur des rames sur chaque ligne de métro.
Airparif, qui a été mandaté en février 2023 par IDFM pour réaliser cette cartographie, explique de son côté qu’«en l’absence de données fiables réalisées sur l’ensemble d’un parcours voyageur type», il a été choisi de suivre la méthodologie proposée par l’Anses. Pour cela, trois sources ont donc été prises en compte : les mesures issues des capteurs permanents installés un peu partout sur le réseau francilien – dont les données sont d’ailleurs accessibles en open data sur le site de la RATP et de la SNCF -, les mesures ponctuelles réalisées par Airparif entre 2015 et 2022 à la demande des opérateurs, et les mesures ponctuelles réalisées par les opérateurs eux-mêmes et dont les résultats n’ont jamais été diffusés au grand public. En outre, de nouvelles mesures seront réalisées in situ dans les rames et dans d’autres stations par Airparif, qui entend fournir une cartographie plus complète «extrapolée» aux 397 stations, prévue au mois de juin prochain.