Une «semaine de tous les dangers». C’est en ces termes que le président de la puissante FNSEA, Arnaud Rousseau, a présenté dimanche la semaine qui s’ouvre. Si le patron du principal syndicat agricole parlait uniquement pour sa profession, en colère, entre autres, contre une rémunération insuffisante et le poids jugé excessif des normes environnementales, d’autres professions ont également prévu de se mobiliser cette semaine. Tour d’horizon.
Malgré les premières annonces de Gabriel Attal aux agriculteurs vendredi, ceux-ci continuent la lutte cette semaine, estimant que les mesures du premier ministre ne vont pas assez loin. Après s’être concentrée la semaine dernière en régions, la mobilisation atteint également Paris cette semaine. À l’appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA), des centaines de tracteurs ont convergé vers la capitale ce lundi afin de mettre la ville en «état de siège» à compter du début d’après-midi. Concrètement, huit «points de blocage» en Île-de-France, sur de grandes autoroutes à quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres du périphérique, sont prévus, pour une «durée indéterminée».
En dehors de la capitale, d’autres blocages sont organisés cette semaine par les agriculteurs. À Lyon par exemple, où la FRSEA (Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles) Auvergne Rhône-Alpes a appelé au blocage à partir de ce lundi à 14h. Le mouvement doit «s’inscrire dans la durée», a prévenu le syndicat. D’autres blocages sont prévus un peu partout en France, notamment en Bretagne ou au niveau de Marseille.
De leur côté, les taxis ont rejoint le mouvement de grogne des agriculteurs ce lundi. Ils pourraient eux aussi se mobiliser dans la durée, puisque quatre organisations nationales de la profession ont appelé à une journée de mobilisation «reconductible». Les chauffeurs ont ainsi mené ce lundi des opérations escargot à Paris, Marseille ou Bordeaux, mais leurs revendications ne sont pas les mêmes que celles des agriculteurs. Ils réclament une renégociation des conditions de rémunération du transport de patients, alors que la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) a mis sur la table une convention jugée défavorable par les syndicats qui réclamaient un statu quo.
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Mardi, c’est une grève qui touchera EDF : l’ensemble des salariés de l’énergéticien sont appelés à faire grève toute la journée, pour inciter la direction du groupe à revenir à la table des négociations sur la question des salaires. Les syndicats jugent en effet les revalorisations salariales décidées pour 2024 insuffisantes.
Cette journée de grève se traduira par «des baisses de charge (production d’électricité) et l’arrêt des chantiers sur les tranches (réacteurs nucléaires) qui sont en maintenance», a indiqué Arnaud Barlet, secrétaire syndical central CFE-CGC pour EDF SA. Toutefois, cette grève n’aura aucun impact sur les clients d’EDF. «Les conséquences sont pour les finances de l’entreprise, puisque si on produit moins d’électricité, on vend moins d’électricité, mais ça ne touche pas nos clients», a précisé le syndicaliste.
Les professeurs seront également en grève cette semaine, mais pour eux ce sera ce jeudi 1er février. Un appel à la grève et à manifester qui avait été lancé début janvier par les principaux syndicats enseignants, pour réclamer notamment des hausses de salaires, un arrêt des suppressions de postes, ou encore «un statut de fonctionnaire et un vrai salaire pour les AESH» (accompagnants d’élèves en situation de handicap).
Les propos polémiques de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale Amélie Oudéa-Castéra sur l’école publique ont redonné un peu de vigueur à cet appel à la grève. Parmi les revendications des syndicats enseignants, ceux-ci réclament désormais la tête de la ministre et son remplacement par un ministre de plein exercice. «L’éducation nationale mérite mieux qu’un simple rattachement au ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques (JOP)», estime la FSU-SNUipp, premier syndicat dans les écoles maternelles et élémentaires.
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De là à imaginer une convergence des luttes cette semaine et un embrasement du pays, il y a encore un pas. Un tel scénario semble pour l’heure improbable. «Des conjonctions de lutte avec d’autres professions sont marginales», sauf «en Bretagne», relevaient les Renseignements territoriaux dans une note, révélée la semaine dernière par Franceinfo, soulignant que «le corporatisme agricole ne favorise pas la convergence des luttes». «Les appels des gilets jaunes pour se joindre à l’action restent pour le moment sans effet», constataient également les Renseignements territoriaux.
«Les revendications des agriculteurs sont très corporatistes et spécifiques à leur profession. Que d’autres corps sociaux expriment leur solidarité avec ces revendications ne veut pas dire qu’ils se reconnaissent en elles ou sont prêts à les porter», confirmait auprès du Parisien Éric Agrikoliansky, professeur de science politique à l’université Paris-Dauphine. Ce spécialiste des mouvements sociaux fait référence aux autres professions ayant apporté leur soutien aux manifestations des agriculteurs, sans pour autant appeler à rejoindre le mouvement. C’est le cas par exemple de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie-restauration (Umih), de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT), et aussi de boulangers.
Des pêcheurs ont eux rejoint la mobilisation des agriculteurs la semaine dernière, en particulier en Bretagne, sans que l’on sache si cela va se poursuivre cette semaine. Quant à l’Union Fédérale Route FGTE-CFDT, un syndicat de routiers, elle n’exclut pas de se mobiliser également si un ministre des Transports n’est pas nommé rapidement par Gabriel Attal. «Sans une action concrète de la part du Gouvernement, le ton pourrait se durcir dans les jours ou les semaines à venir, à l’instar des agriculteurs qui manifestent légitimement leur mécontentement», écrit l’organisation.