De l’extérieur, ce restaurant du 20e arrondissement de Paris ressemble à une énième enseigne de fast-food. Mais la carte des burgers, fièrement affichée en vitrine, intrigue les passants… qui ont comme une impression de déjà-vu. Le «Big», avec sa tranche de pain intermédiaire, ressemble à s’y méprendre au Big Mac du géant McDonald’s. Le «Jumbo», avec son steak strié par le grill, semble tout droit venu d’un Burger King. Et que dire du «Toast», encadré de deux tranches de pain de mie grillées comme le Quick’n’Toast de Quick ?
Bienvenue chez Big M, la chaîne de fast-food qui a décidé de copier ses concurrents, et qui s’en vante ! «Notre concept c’est “venez chez nous, on a rassemblé tous vos burgers préférés”», raconte Mehdi Bella, cofondateur de l’enseigne. À 36 ans, il est à la tête d’une entreprise florissante qui compte déjà 60 restaurants, à la carte entièrement halal, en France et au Sénégal, dont une grande partie de franchisés, pour 40 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2023. Une dizaine d’ouvertures sont programmées dans les six premiers mois de 2024.
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L’aventure Big M commence en 2019. Mehdi Bella et son associé, alors grossistes en textile, ne connaissent rien à la restauration rapide mais sont de véritables passionnés. «On voyageait beaucoup, et on aimait tester toutes les chaînes», se souvient-il. Un détail les frappe : le concept de food court – une salle unique qui rassemble plusieurs restaurants, permettant à des convives de manger différemment mais à la même table – n’existe pas vraiment en France. L’idée germe alors d’un restaurant qui réunirait les burgers stars, à défaut de réunir leurs enseignes.
Le premier Big M ouvre en août à Bondy, en Seine-Saint-Denis, dans un petit local de 60m2, quelques mois avant le verrouillage du pays pour cause de Covid-19. «Mais on a tourné cette difficulté en opportunité avec la livraison, car le produit s’y prêtait», raconte Mehdi Bella. Les deux associés sont sollicités pour développer leur concept en franchise. Pour éviter la concurrence féroce en Île-de-France, Big M s’est surtout concentré sur des ouvertures loin de Paris.
Et si les géants de la restauration rapide laissent faire, c’est qu’ils n’ont pas le choix. Tout le monde est libre de copier un plat et d’en tirer profit. «On ne peut pas protéger des recettes de cuisine, ni par droit d’auteur ni par brevet, explique Séverine Fitoussi, conseil en propriété intellectuelle au cabinet Brandon IP. Il peut éventuellement y avoir une concurrence déloyale si toute la gamme de produits est reprise, avec le même code couleur.» Ce qui ne serait pas le cas en panachant les recettes de différents concurrents sur le menu. Seul le nom des produits, déposé à titre de marque, est protégé.
Un secret bien gardé autour de la recette et de la fabrication, voilà le seul moyen de protéger son produit dans l’univers de la restauration. C’est le cas de certaines sauces comme l’iconique sauce Big Mac de McDonald’s. Chez Big M, pourtant, la copie est bluffante de réalisme, de la sauce à l’odeur dégagée par le burger.
L’enseigne s’est même permise d’«améliorer» les recettes : jugés trop secs ou à la sauce trop acide, beaucoup de sandwichs ont été «revisités avec les retours clients». Les steaks ont souvent été doublés pour plus de consistance, et les ingrédients parfois adaptés, comme le bacon, le menu étant halal. Pour renforcer sa gamme, Big M a aussi voulu innover, en proposant un bao burger. Celui-là au moins, aucune grande enseigne ne l’avait encore à sa carte.