L’ultra-fast fashion a trouvé des détracteurs jusqu’au plus haut niveau politique. Le phénomène a beau faire un carton auprès de nombreux consommateurs accros aux petits prix de vêtements vendus sur des sites comme Shein et Temu, il est devenu le cheval de bataille de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, et de nombreux députés, inquiets des dégâts environnementaux et économiques de cette mode venue d’Asie.
Depuis longtemps, l’ultra-fast fashion fait bondir de nombreuses associations inquiètes pour la planète et pour les travailleurs qui fabriquent ces vêtements. Cette mode ultra-polluante pourrait bientôt être sanctionnée pour ses pratiques.
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Début février, le député LR Antoine Vermorel-Marques a déposé une proposition de loi, visant à «démoder» cette mode jetable, en instaurant un système de bonus-malus. Mais c’est le texte porté par Anne-Cécile Violland, députée Horizons de la Haute-Savoie, qui passera jeudi en commission du développement durable, avant d’être examinée dans l’hémicycle de l’Assemblée le 14 mars.
Lui aussi vise à instaurer un malus, pouvant aller jusqu’à 10 euros par article en 2030 (dans la limite de 50 % du prix de vente). «Ce n’est pas une loi anti-Shein, Temu et Primark, précise la députée. Cette surproduction de vêtements, qui arrive d’Asie chez nous en contrevenant à toute la réglementation environnementale, est dramatique. Il y a une urgence à s’attaquer au problème de façon très concrète.»
La durée de vie des vêtements a, elle, diminué d’un tiers. «Si nous visons particulièrement l’utra-fast fashion, c’est qu’en plus de poser un problème climatique elle a des conséquences graves sur le plan social et économique», explique Anne-Cécile Violland. Régulièrement mise en cause pour imposer de mauvaises conditions de travail, l’ultra-fast fashion participe à la chute de nombreuses marques, incapables de rivaliser. L’avalanche de faillites, redressements judiciaires et plans sociaux ces derniers mois (Camaïeu, Burton, Pimkie…) en est la meilleure preuve. Même le géant suédois H
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Devenu un mastodonte en quelques années, le chinois Shein réfléchirait à se coter à Londres, dans le cadre d’une opération qui pourrait être l’une des plus importantes qu’ait jamais connue la City. Donald Tang, président exécutif, aurait récemment rencontré Jeremy Hunt, ministre des Finances britannique à ce sujet, selon Sky News. Les ressorts de l’ultra-fast fashion sont connus: un catalogue en permanence renouvelé (Shein proposerait plus de 7000 références nouvelles quotidiennement), qui plaît aux jeunes grâce à une stratégie de marketing et communication redoutablement efficace sur les réseaux sociaux.
C’est aussi à ce mécanisme que les députés veulent s’attaquer. En plus de vouloir instaurer un malus, il est question d’interdire la publicité pour cette mode «éphémère» et responsabiliser les consommateurs, en les informant mieux. «L’idée est de faire tomber les masques et que plus personne n’ignore l’impact environnemental de ses achats, insiste Anne-Cécile Violland. Des bandeaux pourraient apparaître sur les sites invitant à ne pas surconsommer, à porter ses vêtements et ne pas les jeter.»
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Lundi matin, Christophe Béchu réunira les acteurs de l’écosystème de la mode, des chercheurs, des associations et des industriels du textile, pour plancher sur le thème «de l’ultra-fast-fashion à la mode durable». «Le problème se limite à quelques plateformes, qui n’ont pas de présence en France et dont le nombre de références est affolant, insiste-t-on au cabinet du ministre. En plus de l’impact environnemental (les vêtements de l’ultra-fast fashion peuvent être fabriqués jusqu’à 95 % de matières plastiques), il y a un enjeu de souveraineté économique et de reconstitution d’une industrie textile française».
Ces dernières années, les marques du «made in France» comme Le Slip français, Aigle, Saint James…, sont sorties de l’ombre. Mais leurs prix font fuir une bonne partie des consommateurs. Elles n’attendent qu’une chose: qu’enfin ils achètent moins, et mieux.