Il était attendu au tournant. Après l’annonce du déficit public de 2023, estimé par l’Insee à 5,5% du PIB, un chiffre bien au-delà des prévisions initiales de l’exécutif, le premier ministre Gabriel Attal est venu mercredi soir au «20 heures» de TF1. Trente minutes pour dévoiler les arbitrages du gouvernement visant à rétablir les finances publiques et sur le travail. Une prise de parole d’autant plus scrutée que le pays s’est engagé sur la voie de la «rigueur» , selon les mots de l’hôte de Matignon mardi, afin de rétablir les comptes de l’État d’ici à 2027. À cet égard, le gouvernement joue cartes sur tables. Et est à la recherche d’économies.

Si l’exécutif exclut mordicus d’augmenter les impôts, dix milliards d’euros de coupes ont déjà été actés il y a un mois sur le budget 2024. D’autres économies sont prévues cette année, et au moins 20 milliards d’euros seront à dénicher pour 2025. Après un séminaire gouvernemental consacré au travail à Matignon, Gabriel Attal a redit mercredi après-midi sur X l’engagement «total» de son gouvernement pour parvenir à «la désmicardisation du pays» et au «retour à l’emploi». Dans le viseur du gouvernement : l’assurance-chômage pour laquelle les partenaires sociaux sont encore en discussion.

Après les chiffres du déficit public dévoilés cette semaine par l’Insee, le premier ministre a qualifié la situation de «sérieuse». «Il n’y a pas eu de dérapage dans les dépenses de l’État. On est même un peu en dessous, 8 milliards d’euros de moins que ce qui était prévu comme dépenses. En revanche, on a eu moins de recettes que prévu», a reconnu Gabriel Attal sur TF1. Selon le chef du gouvernement, ce décalage dans les comptes publics est lié à un «ralentissement économique européen».

Pour dédramatiser la situation, Gabriel Attal a rappelé qu’aucun budget en excédent n’a été voté depuis 1974. L’occasion de vanter le bilan d’Emmanuel Macron en la matière : la France a connu un déficit public sous les 3% du PIB, comme l’exige le traité de Maastricht, en 2017 et 2018 avant la crise sanitaire des années 2020-2021. «Nous gardons l’objectif de passer sous les 3% de déficit en 2027. Quand vous êtes dessous de 3 %, ça veut dire que vous commencez à rembourser votre dette», a également expliqué le premier ministre.

Mi-avril, le gouvernement présentera d’ailleurs une trajectoire pour arriver à ce seuil à la fin du quinquennat. Et de filer la métaphore : «Le sujet, c’est de désendetter la France parce qu’un pays qui est surendetté, ce n’est pas un pays libre. C’est comme pour des ménages, si vous êtes surendettés, vous dépensez tout votre argent pour rembourser votre dette. Vous ne pouvez plus investir, faire des projets pour l’avenir.»

Questionné sur une éventuelle hausse de la fiscalité pour réduire le déficit public et augmenter les recettes, Gabriel Attal l’a martelé : «On a toujours dit qu’on n’augmenterait pas les impôts». En rappelant les avoir baissés pour certains, Gabriel Attal a tracé deux lignes rouges. D’abord, «ne pas augmenter les impôts des classes moyennes». Puis, «ne pas augmenter pas les impôts pour (…) les entreprises.» Le premier ministre a beau ne pas balayer l’idée d’une taxe sur les plus riches, comme l’a proposé la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, et n’avoir «aucun dogme» sur le dossier, le locataire de Matignon attend «qu’on lui fasse des propositions».

Pour contrer cette stabilité fiscale, le chef du gouvernement souhaite inciter les chômeurs à retourner vers l’emploi. «Soit vous augmentez les impôts, soit vous faites en sorte qu’il y ait encore davantage de gens qui travaillent pour avoir des recettes supplémentaires», a développé le premier ministre. Qui tonne son objectif «d’arriver au plein-emploi» d’ici à 2027, sources de recettes supplémentaires dans les caisses de l’État.

Mercredi soir, Gabriel Attal a également annoncé «une réforme de l’assurance chômage cette année». Eu égard à cette volonté, il a demandé à la ministre du travail Catherine Vautrin de «préparer de nouvelles négociations» pour une «vraie réforme, plus globale». «Mon objectif, ce n’est pas de m’en prendre à tel individu ou aux chômeurs, c’est de faire bouger un système pour inciter davantage à la reprise d’emploi», s’est justifié Gabriel Attal. «Il y a plusieurs paramètres». D’abord, «la durée de l’indemnisation de l’assurance-chômage. Aujourd’hui, c’est 18 mois. Une des pistes, c’est de réduire cette durée de plusieurs mois, il ne faut pas que ça aille en dessous de 12 mois», a commencé par détailler le chef du gouvernement.

Ensuite, il y a «le temps qu’il faut avoir travaillé pour bénéficier du chômage : six mois sur les deux dernières années aujourd’hui. Là aussi, on peut imaginer soit de dire qu’il faut travailler davantage ou que les six mois s’apprécient sur une durée moins longue», a-t-il indiqué. Troisième possibilité enfin, l’évolution du niveau d’indemnisation du chômage. «C’est cette dernière piste qui a ma préférence», a fait valoir Gabriel Attal. Lequel veut que les paramètres soient présentés cet été, afin que la réforme soit en vigueur à l’automne.

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Totem d’un monde du travail depuis la réforme de Martine Aubry en 2000, les 35 heures ont subi plusieurs aménagements depuis sa mise en place sans pour autant être totalement supprimées. Quid alors d’une potentielle semaine de travail en quatre jours ? Gabriel Attal a assuré ne pas être en faveur d’une réduction de «la durée du travail». Il souhaite toutefois des expérimentations dans beaucoup plus d’entreprises.

«Il faut sortir de ce carcan des 35 heures par semaine», a estimé le chef du gouvernement. «Il y a des agents publics qui disent vouloir faire leurs heures mais sur quatre jours plutôt que cinq. Ça permettrait de réduire une inégalité entre les Français qui peuvent télétravailler et ceux qui ne le peuvent pas. Il faut donner plus de souplesse à ceux qui le souhaitent», a par ailleurs exhorté le premier ministre. Ce dernier entend «que les Français soient libres, qu’ils soient maîtres de leur destin.» «C’est pour ça que je suis aussi attaché au travail. Quand on travaille, on a quand même davantage de moyens», a dit Gabriel Attal. Qui va réunir les partenaires sociaux sur ce dossier.

Dans sa grande opération de «désmicardisation», le premier ministre veut également revoir le système d’allègement de cotisations «pour inciter davantage à augmenter les salariés». Sur cette question, Gabriel Attal a confié une mission à deux économistes, «qui doivent (lui) faire des propositions sur le sujet au mois de juin».

Alors que le chiffre des décès au travail a tendance à augmenter, Gabriel Attal a affirmé qu’il y avait «trop de Français qui (y) meurent». «On ne peut pas accepter cette situation et donc je vais réunir l’ensemble des partenaires, des partenaires sociaux, les élus, les parlementaires pour qu’il y ait une grande initiative prise sur ce sujet», a annoncé le premier ministre.