Le Figaro Nantes

Systovi, c’est fini. Mercredi 17 avril, l’un des derniers fabricants de panneaux solaires en France, a annoncé la cessation de ses activités. L’entreprise basée à Carquefou, près de Nantes, n’a pas reçu d’offre de reprise, comme l’espéraient initialement les salariés de l’entreprise. Principalement en raison de «l’accélération soudaine du dumping chinois depuis l’été 2023», le directeur Paul Toulouse avait annoncé mi-mars se laisser un mois pour trouver un repreneur. En vain.

«On a eu beaucoup de contacts avec des candidats repreneurs, certains ont même poussé les investigations assez loin et finalement ça n’a pas abouti à des offres», a-t-il déclaré au Figaro vendredi, deux jours après la liquidation prononcée par le tribunal de commerce auprès duquel il n’avait eu d’autre choix que de déposer le bilan. Cette fin de semaine marquait également la fermeture de l’entrepôt de 4000 mètres carrés et le licenciement économique des 81 salariés que comptait l’entreprise à cette date.

«Il y avait beaucoup de tristesse car c’est une aventure humaine. On s’est battu ensemble pour faire exister une filière qui a du sens. Les gens étaient engagés pour la transition énergétique. Ce travail était une manière de concilier leur engagement personnel et professionnel», reprend le dirigeant déçu. Aujourd’hui, sa priorité consiste à ce que chacun retrouve un emploi correspondant à ses appétences. Outre le groupe industriel CETIH, maison mère de Systovi, qui possède des implantations dans le coin et ailleurs, Paul Toulouse a «téléphoné à l’ensemble des entreprises de l’écosystème industriel» de la région. Systovi «invite également les entreprises du territoire à communiquer les offres d’emploi actuellement disponibles», écrivait l’entreprise le 17 avril dans son communiqué.

«Nous n’avons pas été surpris mercredi. Nous avions été davantage surpris le jour où on nous a annoncé que la société devait rechercher un repreneur pour les conditions que nous connaissions déjà. L’écart de prix entre nous et les chinois qui vendent à perte était considérable», regrette Geoffroy Nguetebe, qui était jusqu’alors délégué du personnel pour la CFTC. «Les deux tiers des salariés étaient pour la liquidation. On n’en pouvait plus de cette incertitude», poursuit l’ancien opérateur de production polyvalent, qui a lancé un sondage auprès des employés.

Si l’entreprise a fermé ses portes, lui suit toujours avec attention l’évolution de la situation de chacun avec «le cabinet d’écoute Catalys, chargé de recueillir les avis des uns et des autres». Tout en saluant l’humanisme de son directeur Paul Toulouse, avec lequel «ça se passe très bien», il reste confiant. «Nantes est un bassin d’emplois assez conséquent. Ce n’est pas le travail qui manque en industrie ici». Habitué à la polyvalence, l’ancien professeur de maths illustre cela avec l’exemple d’une voiture : il est possible de conduire différentes marques tant qu’on a les bases. De son côté, il songe à se reconvertir dans la création artistique en se mettant à son compte.

«Paradoxalement, la filière solaire est très dynamique», fait remarquer Daniel Bour, président du syndicat professionnel du secteur de l’énergie solaire Enerplan. Mais surtout «dans la partie aval, de création et développement des centrales». Et donc moins sur le créneau qu’occupait Systovi, à savoir la fabrication de panneaux à partir de cellules achetées en Chine. Toutefois, «ce ne sont pas les mêmes emplois. Est-ce que, quand on vient de l’industrie, on devient un technicien pour aller sur un chantier et créer des centrales ? Ça n’est pas si simple que ça». Aussi, «les projets ne sont pas spécialement à Nantes, mais plutôt dans l’est de la France ou dans le sud», observe-t-il. Si la France et, plus généralement, l’Europe cherchent désormais une stratégie, «toutes ces mesures sont un peu tardives pour Systovi».

Début avril, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a en effet annoncé un plan visant à parvenir à 40% de panneaux solaires «made in France» d’ici 2030. Le cabinet du ministre de l’Industrie Roland Lescure a quant à lui déclaré à l’AFP la semaine dernière que l’État suivrait «de près la situation des salariés et l’avenir des actifs de Systovi». «Je n’ai pas de rancœur. Je suis surtout triste de voir cette occasion manquée, triste de voir que certaines annonces sont surtout symboliques, à vocation de communication, plutôt que de faits qui aident les industriels», termine Paul Toulouse, directeur depuis 2022, et pour qui retrouver un poste n’est absolument pas la préoccupation du moment. Il y pense aussi peu qu’au matériel, qui sera certainement vendu.