Mathilde Androuët a été prise par surprise. La députée européenne du Rassemblement national (RN), proche de Jordan Bardella, ne s’attendait pas à devoir représenter son parti à Matignon lundi 18 septembre. Deux jours avant, elle gérait la grande rentrée politique du RN à Beaucaire. Et la veille, elle s’occupait de tout… ranger. C’est par un simple coup de fil, le dimanche, qu’on l’a prévenue qu’elle allait devoir parler de planification écologique avec la première ministre, Élisabeth Borne, et tous les autres partis politiques, à la place du président du RN ou de Marine Le Pen. Sur le plan de table, elle s’est retrouvée assise à côté de Laurent Hénart, patron du Parti radical.
Ce n’est pas que le RN considère l’écologie ou l’environnement comme un sujet de seconde zone, c’est avant tout parce que le parti à la flamme entend avant tout laisser le gouvernement déployer sa feuille de route pour planifier la transition. Car, selon les stratèges frontistes, à chaque fois qu’Emmanuel Macron et Élisabeth Borne évoquent ces thématiques, Marine Le Pen et le RN gagnent des points parmi les «perdants de la mondialisation». «Tout cela est vécu comme une lubie d’une élite par un peuple qui doit porter toute la charge», assène Mathilde Androuët, qui enchérit: pour la France rurale et périphérique, «c’est une humiliation politique».
Les proches de Marine Le Pen voient d’ailleurs des similitudes entre la situation actuelle et ce qu’il s’est passé il y a tout juste cinq ans, juste avant les élections européennes: le mouvement des «gilets jaunes». «Il ne faut pas oublier que c’est une taxe sur le carburant qui a mis le feu aux poudres», rappelle un député frontiste. «Et que propose au fond Macron? De taxer le carburant pour financer la transition», pointe Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale. Et les élus frontistes de dérouler toutes les mesures «anti-classes populaires»: les zones à faibles émissions (ZFE), les 80 km/h, la «fin du moteur thermique», les «voitures électriques ultrapolluantes»…
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Mathilde Androuët, elle, n’a pas retenu grand-chose de sa réunion à Matignon. «On ne peut pas parler d’écologie sans une rupture avec le libre-échange», pointe-t-elle, ce que ne fait évidemment pas le gouvernement. «Il y a plusieurs absents dans ce qu’on m’a présenté: la contextualisation internationale, parce qu’on importe la moitié de notre pollution, ou encore le peuple français, parce qu’ils n’envisagent pas de consulter les Français avec un référendum», considère la députée européenne.
La transition écologique, carburant électoral frontiste? Rien n’est aussi simple. «En 2019, on a certes gagné les élections européennes, mais notre score aurait pu être plus haut si on avait capté toute la colère des “gilets jaunes”, analyse un stratège frontiste. On ne peut pas ne pas avoir de propositions sur la transition écologique. Sinon, on risque de rater le train.» Mathilde Androuët voit bien que dans l’électorat frontiste, «l’environnement est un véritable sujet, et notamment sur les questions sanitaires. Les agriculteurs, touchés par les pires cancers, sont les premiers concernés».
Pour le RN, la feuille de route est claire: devenir audible sur l’écologie, et avoir des propositions cohérentes. Plusieurs personnes travaillent sur ce sujet: Mathilde Androuët, depuis le Parlement européen, Andréa Kotarac, ex-Insoumis, assistant parlementaire de Marine Le Pen. Jordan Bardella, grand technophile, compte d’ailleurs en faire un axe majeur de sa campagne pour les européennes. Il s’agit de ne pas être pris par surprise.