«Horreur. Sidération. Angoisse.» C’est dans un silence saisissant, mardi après-midi, à l’Assemblée, que Yaël Braun-Pivet, prend la parole. La présidente de l’Assemblée nationale introduit la minute de silence en soutien aux victimes de la terrible attaque terroriste provoquée par le Hamas ce week-end en Israël. Dans les rangs, l’émotion est certes palpable, mais comme souvent au Palais Bourbon, domine la tension.

Une fois encore, ce sont les Insoumis qui ont mis le feu aux poudres samedi en refusant, dans un premier temps, de condamner les assauts du Hamas, les qualifiant simplement d’«offensive armée des forces palestiniennes». Les troupes de Jean-Luc Mélenchon se sont presque immédiatement attiré les foudres de toute la classe politique, jusqu’à leurs propres alliés de la Nupes. Nombre de leurs adversaires attendaient cette séance de questions au gouvernement si particulière pour régler leurs comptes.

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Dans l’Hémicycle, l’heure est donc aux explications. À la mise en scène aussi. Quand la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, prend la parole pour appeler le gouvernement à «reprendre la langue de la paix», les députés LR, menés par leur président de groupe, Olivier Marleix, quittent l’Assemblée. Suivis, quelques minutes plus tard, par certains parlementaires Renaissance. «Vous êtes la honte de cette Assemblée», lance même le député macroniste François Cormier-Bouligeon en direction de LFI.

Même sur les bancs des Insoumis, les divisions sont manifestes. Les fractures s’expriment. Particulièrement lorsque les autres groupes de la Nupes s’expriment. Têtes basses, le coordinateur du mouvement, Manuel Bompard, et la présidente de groupe, Mathilde Panot, ne lancent pas un regard aux orateurs de gauche, tandis que certains des députés Insoumis les applaudissent franchement. Des acclamations qui agacent. Une discrète mais franche altercation a lieu entre Manuel Bompard et la députée Insoumise Danielle Simonnet lorsque cette dernière se lève pour ovationner le patron des socialistes, Olivier Faure. Un non-événement, dira plus tard la députée au Figaro.

Pendant ce temps, lorsque Marine Le Pen prend la parole pour dénoncer «un crime contre les humains, mais aussi contre la paix», des applaudissements sincères se font entendre sur les bancs de la droite, et même sur ceux du camp présidentiel. Le matin même, en réunion des présidents de l’Assemblée, la patronne du RN avait pourtant paru très isolée dans sa volonté d’organiser un rassemblement d’hommage de tous les parlementaires, écharpes tricolores à l’épaule, dans la cour du Palais Bourbon. Une requête refusée par tous les chefs de groupe et par la présidente de l’Assemblée, provoquant la colère de la députée du Pas-de-Calais. Mais dans l’Hémicycle, l’ex-finaliste de l’élection présidentielle savoure finalement ses soutiens d’un jour. Son sourire est satisfait, pendant que Mathilde Panot reste les yeux rivés sur son téléphone portable.

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La première ministre, Élisabeth Borne, répond, elle, longuement aux différents intervenants, revendiquant le droit d’Israël à «se défendre face au terrorisme», et sa volonté de trouver une «solution politique dans le conflit israëlo-palestinien». Avant de lâcher, sans un regard aux Insoumis: «Je trouve choquant et désolant d’entendre des voix dissonantes jusque dans ces bancs». Les députés du camp présidentiel et des LR se lèvent, sans fracas. Ils ne veulent pas en rajouter. Le sujet est trop grave, l’onde de choc trop importante.

Plus en coulisses, hors de l’Hémicycle, cette journée restera aussi comme celle où l’intergroupe de la Nupes a semblé au bord de la rupture. Juste avant l’heure du déjeuner, alors qu’ils sont en réunion de groupe, les députés socialistes découvrent sur X – ex-Twitter – la dernière sortie de Mathilde Panot en conférence de presse. Relancée par un journaliste, la présidente du groupe LFI vient de refuser de qualifier le Hamas d’organisation «terroriste». «C’est la branche armée qui est aujourd’hui responsable de crimes de guerre», affirme-t-elle simplement. Le sang des socialistes ne fait qu’un tour. Lors de la très musclée réunion de l’intergroupe de la Nupes tenue un peu plus tôt dans la matinée, ils avaient pourtant exhorté les mélenchonistes à rectifier leur position. Sans succès.

«Inacceptable. Le Hamas est une organisation terroriste. Pas l’armée régulière de Palestine. Leurs actes doivent être condamnés comme leur projet politique qui n’est pas la paix, la solution à deux États, mais la destruction de l’État d’Israël», a répliqué dans un tweet Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, depuis sa réunion. Devant quelques journalistes, le député socialiste Jérôme Guedj va même plus loin: «Il faut marquer le coup. Dire aux Insoumis que s’ils veulent qu’on continue la Nupes, notamment jusqu’en 2027, cela nous oblige mutuellement.» En ajoutant que, selon lui, au regard des derniers événements, «la logique de l’intergroupe n’est plus opérationnelle», que «tout est un peu en lévitation». Le groupe PS a d’ailleurs annoncé la suspension de ses travaux parlementaires pour un «contre-budget» de la Nupes.

Le communiste Fabien Roussel s’emporte à son tour: «Les Insoumis mettent un nouveau coup de canif dans le contrat. Nous allons réfléchir à la manière dont nous allons continuer à travailler ensemble… ou pas», prévient le secrétaire national du PCF. Comme le reste du groupe écologiste, le député, Julien Bayou, préfère lui rappeler que l’urgence est avant tout au Proche-Orient, très loin donc des affaires de la Nupes. Mais il soupire tout de même: «Franchement, qu’est-ce que ça coûtait aux Insoumis de dire que le Hamas avait mené des attaques terroristes?»