Pas plus que les arbres les prix ne peuvent monter jusqu’au ciel. Après bientôt deux ans de flambée des prix alimentaires, la consommation mondiale est plus que jamais sous pression. Leader mondial de l’alimentaire, Nestlé (Kit Kat, Nescafé, Maggi, Purina, Nespresso…) semble avoir éprouvé les limites de capacité des consommateurs à accepter des hausses de prix.
Le chiffre d’affaires du géant suisse a augmenté de 7,8 % sur les neuf premiers mois de 2023, à 68,8 milliards de francs suisses (65,2 milliards d’euros). Une croissance portée par les hausses de tarifs ( 8,4 %) passées sur la période pour répercuter celle de ses coûts. Mais sur le troisième trimestre, cet «effet prix» n’est plus que de 6,3 %, alors qu’il oscillait jusque-là depuis trois trimestres entre 9 % et 10 %.
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Jusque-là, Nestlé avait misé sur la force de ses marques pour répercuter dans ses tarifs une grande partie de ses surcoûts. Cela lui a permis de préserver sa marge opérationnelle récurrente, restée au-dessus de 17,1 %, et attendue entre 17 % et 17,5 % pour l’exercice en cours. Mais la chute de ses volumes depuis fin 2022 (- 0,8 % sur les neuf premiers mois de 2023) l’a incité à lever le pied sur l’accélérateur tarifaire. Notamment en Amérique du Nord, où ces hausses ont été limitées à 4,7 % sur le troisième trimestre, soit un rythme 2,5 fois moins rapide que celui appliqué au premier semestre.
«Cela est certes dû à un effet de base car nous avions déjà beaucoup augmenté nos prix à cette même époque il y a un an, souligne François-Xavier Roger, directeur financier de Nestlé. Mais c’est aussi dû au ralentissement de nos hausses de tarifs, un ralentissement appelé à se poursuivre.»
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«L’heure n’est pas aux baisses significatives et globales de prix, prévient le directeur financier. Mais nous sommes en train de passer d’une situation de tensions sur nos capacités de production à un contexte où il faut soutenir la demande.» Alors que les consommateurs privilégient de plus en plus souvent les produits moins chers, le groupe espère ainsi contenir ses baisses de ses ventes en volumes.
Cette modération a porté ses fruits, permettant de limiter cette glissade des volumes à 0,3 % sur les trois mois de l’été (contre 0,8 % au premier semestre). «Nos volumes globaux redeviendront positifs au quatrième trimestre», assure Mark Schneider, l’administrateur délégué du géant suisse. Preuve de l’impact de l’inflation sur les ventes: en Europe, où la hausse de ses prix est de 10,7 % au troisième trimestre, les ventes de Nestlé ont reculé de 2 %.
Les limites du «pricing power» (capacité à passer des hausses de prix) du géant suisse ont inquiété les marchés, le titre de Nestlé achevant sa séance à la Bourse de Zurich sur un retrait marqué de 3,43 %, à 98,75 francs suisses.
Pour tenter de ménager à la fois ses clients et ses marges, le groupe compte désormais se focaliser sur «des hausses de prix plus sélectives selon les pays, les produits, et les marques, explique François-Xavier Roger. Par exemple, sur les produits riches en cacao, en robusta ou en sucre, dont les prix mondiaux continuent d’augmenter».
Le géant suisse devrait aussi continuer à miser sur la force de certaines de ses marques dans des catégories comme la nourriture animale ou le café pour pousser encore un peu ses prix. Par exemple sur son pilier Purina Petcare (Purina, Friskies, Felix…), dont les ventes en valeur ont bondi de plus de 13 % depuis janvier. Ou encore Nespresso, dont les volumes restent en hausse sur un an, malgré des tarifs gonflés de 3,5 %
À l’inverse, sur les catégories laitières, le groupe estime qu’il pourra faire descendre la pression sur les étiquettes. En parallèle, il augmentera ses investissements marketing et multipliera les promotions. Un mouvement qui pourrait se généraliser chez les poids lourds de la grande consommation.