Le taux du livret A ne fait pas que des heureux. Fixée, depuis le 1er août, à 3% jusqu’en 2025, la rémunération du produit d’épargne préféré des Français est contestée par certains, qui espéraient voir celle-ci augmenter davantage avec l’inflation. Un recours a même été déposé devant le conseil d’État, le jour de l’entrée en vigueur de cette mesure.

Sur Twitter, début août, le professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paul Cassia, a ainsi indiqué avoir saisi l’institution afin de vérifier deux éléments : d’abord, si «des “circonstances exceptionnelles” permettent de ne pas relever ce taux à 4,1%» ; ensuite, si «ce taux peut être gelé pendant 18 mois». Deux points sur lesquels le membre du Conseil d’administration d’Anticor exprime des doutes.

Le taux du livret A varie avant tout selon des «règles de calcul», qui auraient dû l’emmener à 4,1%, a rappelé le professeur. Les inquiétudes de la Banque de France, pour qui un «taux trop élevé […] serait préjudiciable à notre activité économique et à notre croissance», ne constituent pas des «circonstances exceptionnelles», a argumenté le juriste, sur BFM Business, cette semaine. La décision des autorités, et leur explication selon laquelle un taux important pèserait sur le financement du logement social «revient à fixer un plafond au taux du livret A, et la réglementation» ne le prévoit pas, a-t-il estimé. En outre, l’exceptionnel serait «imprévisible, irrésistible», des qualificatifs qui ne s’appliquent pas à la situation actuelle, a plaidé Paul Cassia, pour qui «le taux du livret A doit suivre la formule mathématique prévue». Enfin, si, sur le plus long terme, le taux va rester fixé à 3% jusqu’en 2025, «personne ne peut déterminer si l’inflation va baisser ou pas», et si la rémunération pourrait alors dépasser la hausse des prix.

À lire aussiAvec un taux fixé à 3% jusqu’en 2025, le livret A est-il toujours un bon placement ?

Mi-juillet, le ministre de l’Économie et des Finances avait annoncé suivre les recommandations de la Banque de France, en maintenant le taux du livret A à 3% jusqu’en 2025. Et ce, malgré une formule qui aurait pu l’amener à 4,1% si elle avait été appliquée automatiquement. Celui-ci aurait renchéri «le coût du crédit pour les PME, qui ont besoin d’investir» ainsi que celui «du crédit pour le logement social», avait plaidé Bruno Le Maire. «Plus le taux du livret A est élevé et plus les prêts sont chers. Je ne veux pas mettre en péril la construction de dizaines de milliers de logements ou le développement de milliers de petites entreprises», avait ajouté le patron de Bercy. De son côté, l’institution dirigée par François Villeroy de Galhau estimait que le maintien du taux plus bas se justifiait aussi par la baisse anticipée de l’inflation.

Reste à voir quelle sera la décision du conseil d’État : celui-ci rend ses avis «dans un délai de onze mois», en moyenne, a noté Paul Cassia. Le verdict n’est donc pas attendu dans l’immédiat. En cas d’annulation de la décision de Bercy, celle-ci pourrait être «compensée» pour les épargnants, avec un «effet rétroactif» : «le nouveau taux devrait s’appliquer à partir du 1er août 2023», ou non, selon le choix du juge, a conclu le professeur. De quoi faire gagner potentiellement aux principaux concernés quelques précieux euros de rémunération… et déclencher un sacré casse-tête pour calculer les sommes à payer à chacun.