Au Stade de France

COUPS DE CŒUR

Quelle équipe ! Quel parcours ! Copieusement sifflés, les Springboks n’étaient peut-être pas les favoris des 80.000 spectateurs massés au Stade de France samedi soir. Mais force est de constater qu’ils méritent leur titre, acquis en battant les All Blacks (12-11). Victorieux par un petit point d’écart lors de leurs trois derniers matches, ils se sont aussi extirpés d’une poule particulièrement relevée. L’Afrique du Sud est la seconde équipe à conserver sa couronne mondiale après son adversaire du soir (2011, 2015), mais surtout la première à atteindre quatre titres. Elle devance désormais les All Blacks et leurs trois titres, tout en ayant disputé deux compétitions en moins ! Malmenés par la France, l’Angleterre, puis les Néo-Zélandais, les Sud-Africains ont su adapter leur stratégie à leurs adversaires. Jacques Nienaber et Rassie Erasmus, les deux stratèges à la tête de l’équipe, ont enchaîné les coups de poker tactique avec réussite. Ils ont construit un collectif homogène, manié l’art du bluff avec talent, n’hésitant pas à innover tout au long du Mondial. Ils étaient redoutés et ont su tenir leur rang, contrairement aux Irlandais ou aux Français. Chapeau !

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Il est donc possible d’être champion du monde sans marquer un seul essai en finale (comme en 1995 et 2007, soit trois fois sur les quatre sacres des Springboks…). Ni sans inscrire le moindre point en seconde mi-temps de ladite finale. Vainqueurs des All Blacks samedi (12-11), les Sud-Africains ont remporté leurs trois rencontres de phase finale par un point d’écart. Comme la France en quart et l’Angleterre en demie, la Nouvelle-Zélande a subi la loi de ce qu’il faut bien appeler un ultra-pragmatisme. Dominateurs dans le premier acte, les Springboks ont su prendre les points quand il le fallait grâce au pied droit d’Handré Pollard. En face, les Néo-Zélandais sont bien plus souvent allés en touche sur leurs pénalités… pour un maigre résultat. Samedi soir, l’humilité a triomphé. Les hommes de Rassie Erasmus auraient même pu inscrire d’autres points «faciles», mais leurs multiples tentatives de drops n’ont pas abouti (Willemse deux fois, Pollard, Kolbe). Ils ont ensuite résisté au retour adverse dans le second acte, n’encaissant finalement que cinq points durant leurs temps faibles.

À défaut de pratiquer un rugby flamboyant, les deux équipes ont livré une partie disputée. L’écart au tableau d’affichage n’a jamais été supérieur à neuf points. Les Sud-Africains étaient coutumiers du fait, eux qui avaient remporté leurs deux derniers matches par une petite longueur d’avance. Auteurs d’une mauvaise entame et réduits à 14 après l’expulsion de Sam Cane (29e), les All Blacks ont su faire le dos rond pour ne pas se faire distancer. Avant de se réveiller aux alentours de la 50e minute, bien aidés par le carton jaune infligé à Siya Kolisi (46e). Revenus à un point après l’essai de Beauden Barrett (58e), ils auraient pu l’emporter si Richie Mo’unga avait transformé. Ou si Jordie Barrett avait passé sa pénalité lointaine à six minutes du terme (74e). Jusqu’à la dernière seconde, le résultat de cette finale fut indécis. Mais à la fin, ce sont les Sud-Africains qui gagnent.

COUPS DE GRIFFE

Quatre cartons jaunes distribués dont un qui se transforme en rouge. Et combien de recours à la vidéo ? Pour le dernier match de la compétition, l’arbitre Wayne Barnes n’aura pas tremblé avant de mettre la main à la poche. Quitte à prendre le risque de voir ses décisions peser un peu trop pour désigner le vainqueur. Jusqu’à ce soir, un seul carton avait été distribué en finale de Coupe du monde. C’était en 2015, déjà contre la Nouvelle-Zélande. Il est fort à parier qu’une nouvelle fois, l’arbitrage sera pointé du doigt. Plus que la prestation de Wayne Barnes, c’est la cohérence depuis le début du Mondial qui interroge. Que le capitaine néo-zélandais, Sam Cane, soit exclu après son choc tête contre tête sur Jesse Kriel, pourquoi pas. La priorité est la santé des joueurs ! Mais tant d’actions similaires n’ont pas été sifflées ces six dernières semaines.

En marquant un essai ce samedi, l’ailier néo-zélandais aurait pu devenir le meilleur marqueur de l’histoire sur une seule édition. Mais il n’en a jamais eu l’occasion. Pire, il s’est montré très fébrile. Bien muselé par Cheslin Kolbe et Kurt-Lee Arendse sur son aile, le joueur des Crusaders s’est rendu coupable de quelques fautes de main inhabituelles et a failli se faire surprendre sur ses replis défensifs. Une performance décevante après son triplé retentissant en demi-finale face à l’Argentine (44-6). Avec huit essais dans ce Mondial 2023, Jordan n’est donc que le co-détenteur du record, à égalité avec ses compatriotes Jonah Lomu (Mondial 1999), Julian Savea (2015) et le Sud-Africain Bryan Habana (2007). Avec 15 essais, Habana et Lomu sont encore en tête du classement sur plusieurs éditions cumulées.

Un geste à bannir des terrains de rugby. Les Anglo-Saxons l’appellent le «crocodile-roll». Il consiste à déblayer un joueur d’un ruck en utilisant le poids de son corps, tout en enroulant son bras autour de son torse ou de son cou. Julien Marchand, talonneur du XV de France, en a été victime lors du match d’ouverture face aux All Blacks et n’a plus rejoué de la compétition. Samedi soir, c’est le talon des Springboks, Mbongeni Mbonambi, qui a dû céder sa place sur blessure après un déblayage de Shannon Frizell. Le troisième-ligne néo-zélandais n’a écopé que d’un carton jaune après visionnage vidéo. Clément, d’autant que son coéquipier Sam Cane a lui vu rouge pour un geste qui paraissait moins dangereux.