Plus verte est la pelouse que l’action environnementale en Ligue 1: pressé par le contexte de crise énergétique de l’hiver dernier, le foot français tente de refaire, avec peine, son retard en matière de transition écologique.

Le sport, «vitrine» de la sobriété énergétique? Présentée par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher en inaugurant les travaux de rénovation du stade de la Meinau à Strasbourg, l’image est charmante. La réalité est plus contrastée.

«Si le sport est une vitrine sans commune mesure pour faire passer des messages, on peut être sceptique sur le fait de prendre le football comme exemple de sobriété car son activité en tant que telle est génératrice de ressources et de nuisance écologique», nuance Aurélien François, maître de conférences à l’Université de Rouen, spécialiste de la responsabilité environnementale des clubs.

Pour Antoine Miche, fondateur et directeur de Football Écologie France, association qui aide les acteurs du foot sur la question, le constat est clair: «sur la transition écologique, on part de très très loin, globalement les clubs ont 15 ans de retard».

Sur la forme, certaines polémiques ont peu aidé, comme celle du char à voile. En proposant ce mode de transport par ironie, l’ex-entraîneur du PSG Christophe Galtier soulignait à quel point il était difficile en Ligue 1 d’envisager le train plutôt que l’avion, plébiscité à plus de 80%.

Déplacements des supporters

Sur le fond, la Ligue de football professionnel (LFP) et les clubs mettent en avant les mesures prises fin 2022 dans le cadre du plan de sobriété, qui a permis une réduction de 12% de la consommation d’électricité et de gaz.

Ainsi, l’éclairage des avant-matchs et des après-matchs en journée a été réduit de 50%, celui nocturne de 30%; 80% des clubs chauffant la pelouse ont réduit leur consommation; la consommation liée à la luminothérapie sur les pelouses a également été réduite de 42%…

Pour Antoine Miche, s’il y a des projets «intéressants», tout cela n’est «pas structurant»: «ce sont des changements drastiques qu’il faut effectuer, et non des changements qui économisent quelques pourcentages d’énergie et, derrière, un peu de CO2».

Si le plan de sobriété s’est focalisé sur la consommation énergétique, le problème du carbone réside ailleurs: plus de 80% des émissions de l’industrie du football proviennent du déplacement des supporters.

Si la Ligue a bien mis en place une campagne de communication pour inciter à privilégier les mobilités durables la saison dernière, Antoine Miche appelle les clubs et collectivités locales à être «beaucoup plus proactifs».

Pour lui, «la seule évolution positive ces derniers mois, c’est le passage des critères environnementaux de 3 à 10% pour l’obtention de la licence club de la LFP, (…) mais ça reste 10%, donc les clubs mettent plus d’énergie sur d’autres sujets».

La licence club, obligatoire pour recevoir une partie des droits audiovisuels, se base sur quatre familles de critères, allant des installations médias à la qualité de la pelouse en passant par l’accueil des spectateurs. Dans un bilan annuel paru fin novembre, la LFP constate que les critères RSE (environnementaux) sont les moins respectés, à seulement 56%, et déplore: «les attentes de la LFP ne sont pas bien satisfaites par les clubs».

«Tout cela manque d’ambitions», estime Antoine Miche, qui souligne l’absence de politique en matière de réduction des émissions carbone: «On pourrait annoncer ’’la LFP vise une réduction de X% de ses émissions de CO2 à 2030’’. Ça manque de leadership et c’est quand même le boulot de la LFP d’embarquer tous ses clubs sur les enjeux sociaux et environnementaux».

La réalisation d’un bilan carbone est désormais un des critères de la licence club, mais seuls neuf clubs sur 18 en ont déjà un, comme le PSG, Lille, Rennes, Montpellier ou encore Strasbourg. Aucun n’a voulu le rendre public.

Certains ont déjà prévu de le faire en 2024 (Clermont, Marseille ou Monaco). D’autres pas encore, comme à Nice où la question est «en cours d’évaluation».

L’année olympique pourrait être l’occasion d’accélérer, selon le gouvernement, qui prévoit la signature d’une charte sur la réduction des émissions de CO2 des clubs professionnels dans le cadre de leurs déplacements.

Des avancées urgentes selon le chercheur Aurélien François, car «si on ne s’attaque pas au modèle en lui-même, se pose la question du maintien de l’utilité sociale de tels événements sportifs».

En mars prochain, l’exemple pourrait venir de l’équipe de France qui, à l’occasion d’un match amical à Lyon, a prévu de prendre le TGV. Gage à Kylian Mbappé et consorts de nous faire préférer le train.