Envoyé spécial à Dortmund

L’Euro de football débute dans neuf mois (14 juin-14 juillet) et quand vous débarquez à Dortmund, l’indifférence à cet évènement est totale. Que ce soit en gare ou en ville, rien n’indique que le gratin du football européen a rendez-vous en Allemagne. Il faut dire que la sélection quadruple championne du monde ne fait rien pour exciter les foules. Preuve en est, pour recevoir l’équipe de France mardi soir (21h) dans le mythique Westfalenstadion, les 64.000 places (81.000 habituellement avec le Borussia et son fameux «mur jaune» mais la tribune debout en match international est fermée) n’ont pas toute trouvé preneur. L’Allemagne, plongée dans une crise de résultats (4 victoires sur les 17 derniers matches) et de gouvernance (Hansi Flick a été limogé dimanche après le revers face au Japon et remplacé de manière temporaire par Rudi Völler), ne fait plus rêver ses supporters.

Habituellement, la réception des vice-champions du monde, avec Kylian Mbappé dans le camp adverse, pour une affiche qui reste forte entre deux grandes nations du football, aurait fait le plein. Ce ne sera pas le cas mardi soir. « Notre sélection fait peine à voir et on enchaîne les déconvenues depuis plusieurs années avec deux éliminations au premier tour de la Coupe du monde en 2018 et 2022, plante Bastian, 28 ans, qui porte tout de même le maillot de la Mannschaft. Avant, défier l’Allemagne était craint par toutes les équipes du monde, aujourd’hui, on ne fait plus peur à personne. »

Samedi soir à Wolfsburg, le Japon a balayé la formation d’Hansi Flick (1-4), pourtant composée d’éléments expérimentés à l’image de Ter Stegen, Rüdiger, Kimmich, Gundogan ou encore Sané et Gnabry. Même Thomas Müller, rappelé après avoir été écarté par Flick, n’a rien changé. C’est simple, depuis le 22 mars et un succès contre le Pérou (2-0), la Mannschaft enchaîne les déconvenues. Défaites face à la Belgique (2-3), la Pologne (0-1) et la Colombie (0-2) et match nul face à l’Ukraine (3-3). Pour un niveau indigne d’une sélection habituée au sommet. « La sélection avait pour habitude de nous rassembler et de s’ériger en exemple de réussite, mais on ne se reconnaît plus dans cette équipe, peste Lukas, chauffeur de taxi désabusé. Le désamour est réel et le mal est profond. » La remise en question du football allemand repose notamment, au-delà de la sélection, sur la qualité et la richesse de formation des jeunes en devenir, avec un réservoir qui souffre de la comparaison avec la France.

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Envoyé au feu pour gérer la situation d’urgence et présent face aux nombreux médias allemands lundi soir dans les travées du Signal Iduna Park, Rudi Völler tente de garder la face. « Il nous reste 3 semaines et demie avant le prochain match aux États-Unis et il est important de trouver quelqu’un afin de fixer un cap. Il nous reste 9 mois avant l’Euro pour avoir des résultats, c’est possible avec un nouvel entraîneur qui peut faire bouger les lignes. » Le nom de Julian Nagelsmann, libre depuis son départ du Bayern Munich et son arrivée avortée au Paris SG cet été, est sur toutes les lèvres des confrères allemands… qui ont aussi demandé à plusieurs reprises à l’ancien attaquant de l’OM s’il ne voudrait pas poursuivre à la tête de la sélection. Refus poli du principal intéressé, qui ne se voit pas replonger à 60 ans dans cette galère.

« Bien sûr qu’il y a des grands joueurs dans notre équipe, mais le réservoir est faible, le travail sur les jeunes ne prend pas comparé à ce que vous avez en France, témoigne un autre supporter croisé dans un Dortmund très calme et bien loin de s’exciter à la veille du match. L’Euro est dans neuf mois et on va droit dans le mur. Il faut espérer à un sursaut d’orgueil mais on a du mal à y croire. » Ambiance morose et lourde du côté de la Ruhr.