Alors que les prix des carburants continuent inlassablement d’augmenter, pesant fortement sur le budget des ménages, le gouvernement – par la voix de la première ministre Elisabeth Borne – vient d’annoncer ce week-end que la vente à perte de carburants sera possible «début décembre». Une mesure souvent considérée comme taboue qu’a confirmée le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ce lundi: «Ce sera effectif à partir de début décembre, j’espère le 1er décembre puisque le texte de loi sera examiné à l’Assemblée début octobre». Il n’en fallait pas plus pour attiser la colère des distributeurs – notamment les plus petits et les indépendants – qui affirment qu’ils «ne pourront absolument pas s’aligner sur ces prix» et qu’ils «ne pourront pas tenir sans l’aide de l’État».
Coupes de production de l’Arabie saoudite, réduction des exportations de la Russie et prévisions lugubres d’une pénurie d’offre d’or noir au quatrième trimestre… Le gouvernement ne cesse de rappeler les causes extérieures de cette hausse qui fait mal au porte-monnaie des Français, et sur lesquelles il n’a aucune prise. Durant l’été, les prix du carburant sont en effet repartis à la hausse, frôlant le seuil symbolique des deux euros, dans le sillage de l’envolée des prix du pétrole. Le baril de Brent menaçait d’atteindre les 95 dollars, ce lundi, son plus haut niveau depuis des années. Et son prix sur les marchés pourrait continuer à flamber. De quoi alourdir considérablement la facture finale pour les distributeurs et le consommateur.
À ce premier élément, qui pèse environ 40 % du prix total d’un litre de diesel, s’ajoutent les coûts liés au raffinage du pétrole brut, ainsi que les coûts de transport, de stockage et de distribution du produit endossés par les industriels. Ces derniers sont pris en compte par les distributeurs afin d’établir le prix final. Enfin, les entreprises calculent une marge. Elle est particulièrement faible pour les acteurs de la grande distribution, comme Leclerc, et elle «constitue la part la plus restreinte du prix du carburant, puisqu’elle ne représente en moyenne qu’un centime d’euro par litre de sans plomb ou de gazole retiré en station, soit moins d’1 % du prix à la pompe», selon TotalEnergies.
Tous ces éléments pris en compte, nous ne sommes toujours pas arrivés à la moitié du prix final du carburant. Le reste – la part du lion, entre 49 % et 55 % du prix facturé – vient des pouvoirs publics: il s’agit de la fiscalité pesant sur les carburants, volontairement lourde, principalement afin de pousser les automobilistes à modifier leurs comportements et à se procurer des véhicules plus modernes, moins gourmands et moins polluants.
En résumé, la fiscalité pèse pour la moitié du total du prix des carburants, voire plus, le reste venant du coût de la matière première, dont le coût reste élevé, et des coûts liés à sa distribution. Le poids des taxes sur un litre a baissé, ces dernières années, à mesure que le prix de la matière première flambait. On comprend alors mieux les appels des oppositions comme de l’association 40 millions d’automobilistes pour que l’État baisse les taxes pesant sur le plein d’essence. Une nouvelle fois ce lundi, l’assocation a ainsi «enjoint l’État de réduire la pression fiscale sur les carburants routiers, en abaissant le taux de la TVA à 5,5 % au lieu de 20 % ou en instaurant une TICPE capée». Mais, connaissant la manne que représente la TICPE pour les finances publiques, on comprend aussi la réticence de Bercy à lâcher du lest. Car toute baisse de taxe sur les carburants, même temporaire, sera ensuite difficile à annuler, d’un point de vue politique.