Le 23 novembre 2022, lorsque Jean Castex – surtout connu pour être l’ancien premier ministre d’Emmanuel Macron – prend officiellement la tête de la RATP, les usagers des transports en commun franciliens soupirent de soulagement. Tous voient en cette figure politique l’issue de secours d’une situation devenue intenable au quotidien pour eux depuis le Covid. Et c’est peu dire tant les dossiers à gérer sont lourds à porter, entre les problèmes de recrutement, les tensions sociales au sein de l’entreprise et une offre de transports toujours limitée. Mais les épaules du nouveau PDG semblent assez larges pour y parvenir. Un an plus tard, beaucoup d’actions ont été mises en place et la situation s’est progressivement améliorée, avec un grand plan de recrutement qui porte ses fruits, mais il n’en demeure pas moins qu’il subsiste un certain nombre de problèmes, notamment sur les réseaux de métro et de bus.

Et les premiers à s’en plaindre ne sont autres que les usagers eux-mêmes, nombreux sur les réseaux sociaux à interpeller la RATP sur les problèmes qu’ils rencontrent au quotidien, laissant des messages acerbes assortis de photos évocatrices. Des fermetures de ligne, des incidents à répétition ou encore des temps d’attente rallongés… «“Prenez les transports en commun !”, nous serinent ceux qui ne les prennent jamais», se plaint cet usager des lignes 8 et 10. «Que dire de plus ? Ah si, que j’ai battu un record ce matin en mettant 1h50 à faire République-Pont de Garigliano», écrit une autre. «Si la ligne 8 n’est pas perturbée tous les jours de novembre, elle s’autodétruit c’est ça ? Ras-le-bol de tous ces problèmes», s’agace un troisième. Et beaucoup s’interrogent sur la qualité de service qui leur sera offerte pendant les JO. «La RATP n’est pas en mesure de faire fonctionner correctement les lignes en temps normal. Imaginez la situation pour les Jeux Olympiques», lance ce dernier. «La machine est un peu grippée», résume Arnaud Bertrand, le président de l’association Plus de trains.

Concrètement, si l’on s’en tient aux chiffres de ponctualité diffusés en open data par Île-de-France Mobilités (IDFM), la marge de progression entre septembre 2022 et septembre 2023 apparaît assez minime. Seules les lignes intégralement automatiques (1 et 14) ainsi que les lignes 2, 5 et 9 – soit cinq lignes sur les quatorze que compte le réseau – ont atteint les objectifs fixés par IDFM en septembre. Un an auparavant, seules les lignes 1, 2, 5, 10 et 14 ainsi que le RER A atteignaient les objectifs. À titre d’exemple, la ligne 6 affichait le taux de ponctualité le plus bas du réseau, à 84,3%, en septembre 2022 et n’a pas réussi à transformer l’essai un an plus tard, puisque le taux reste inchangé. D’autres ont néanmoins vu leurs performances s’améliorer : c’est notamment le cas de la ligne 4, dont l’automatisation est quasi achevée. Si son taux de performance était de 86,5% en septembre 2022, il était de 93,42% en septembre 2023.

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En face, la RATP se défend comme elle peut, expliquant traverser une passe «difficile», et ce, notamment en raison de la «recrudescence des colis abandonnés». La Régie autonome avance même le chiffre de «70% de croissance de colis abandonnés» par rapport à l’année dernière, avec 325 signalements et interventions liés à ce phénomène en octobre, contre 190 il y a un an. Elle a également évoqué «d’autres difficultés» parmi lesquelles la vétusté des infrastructures du réseau, citant la ligne 8 équipée d’un matériel «qui a 25 ans, 30 ans». Sur cette ligne, le taux de performance aux heures de pointe a carrément chuté en un an, passant de 88,3% en septembre 2022 à 84,85% en septembre 2023. Et si à la RATP, on explique surtout que comparer les chiffres de 2022 à ceux de 2023 «n’a pas de sens», dans la mesure où «il y a plus de trains contractuellement» aujourd’hui qu’à l’époque, on note tout de même que le niveau de production du métro est passé de 94,6% à 95,8% entre septembre 2022 et septembre 2023.

La RATP assure que beaucoup a été fait en interne, avec un plan de recrutement qui a déjà permis d’embaucher 4200 personnes en 2023 sur un objectif de 4600. Mais elle concède qu’il existe des problèmes de maintenance : «on a les lignes modernes avec une signalisation efficace sur les lignes 1, 2, 5 et 14 sur lesquelles il y a moins d’incidents et moins de pannes et il y a les vieux coucous comme la ligne 12 sur laquelle circulent les trains MF67, qui ont plus de 50 ans». Jusqu’à présent, «on a su entretenir et maintenir les trains mais aujourd’hui, on manque de renouvellement», poursuit la Régie parisienne. Aujourd’hui, certaines lignes apparaissent donc «difficiles» comme la ligne 8 très longue ou la ligne 6 en cours de modernisation, sur laquelle roulent en ce moment deux types de matériel, la rendant «plus compliquée à exploiter». «La réalité, c’est que cette année on a amélioré d’un point notre production avec l’an passé, mais que l’offre proposée est largement plus importante. Le nombre de trains qui circulent tous les jours est beaucoup plus important», insiste la RATP.

Malgré ces modernisations en cours et des investissements pour renouveler le matériel déjà réalisés, force est de constater que ces dernières semaines, la situation semble même s’être encore dégradée. Entre août et septembre 2023, les performances en heures de pointe de l’ensemble des 14 lignes ont chuté, et si les derniers chiffres n’ont pas été dévoilés, les résultats ne sont pas meilleurs en octobre et novembre. À tel point que Valérie Pécresse a écrit un courrier à Jean Castex le 7 novembre dernier, lui demandant de «consolider la dynamique d’amélioration attendue». Si la présidente de la région et d’Île-de-France Mobilités (IDFM) note «avec satisfaction les résultats du mois de septembre affichant des taux de production en heure de pointe et au global respectivement de 93,82% et 96% en amélioration par rapport au mois de juin», elle déplore que cette trajectoire se soit «infléchie au mois d’octobre avec des résultats en net recul».

Elle cite en particulier la production des lignes 3 et 7 et surtout 6, 8 et 13, «qui est tombée à moins de 90%», «bien en-deçà des attentes d’IDFM», et qui «a généré l’expression de nombreux mécontentements de la part des usagers». «Au mois de septembre, il y a neuf lignes qui vont beaucoup mieux qu’en 2022, mais qu’il y a toujours cinq lignes qui ne sont pas au rendez-vous», confirme Laurent Probst. Pour le président d’IDFM, «les vraies causes» de cette dégradation de service résident principalement en «l’absentéisme des conducteurs», alors que «tous les emplois sont pourvus». Il évoque également «quelques problèmes de maintenance sur le matériel roulant» ainsi que «des problèmes d’exploitation pure» avec un «sujet d’organisation interne». «Les causes sont multiples, c’est pourquoi on a demandé un plan d’actions sur chacune des cinq lignes, la RATP y travaille», a lancé Laurent Probst.