«Pour ou contre un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes?» : voici la question à laquelle les Parisiens sont invités à répondre ce dimanche 4 février, à l’occasion de la deuxième «votation citoyenne» organisée par la Ville de Paris pour limiter la place des SUV (pour Sport utility vehicle, NDLR) dans la capitale. Si certains électeurs se disent en adéquation avec cette ligne, prêts à faire valoir leur avis de citoyens quand bien même ils confient volontiers ne pas être concernés, certains profitent de cette occasion qui leur est offerte pour faire part de leur désaccord avec la politique de la maire Anne Hidalgo.
À la mairie du 10e, qui compte plus de 80.000 habitants, les avis sont très partagés. Cécile, la soixantaine – qui se décrit comme une «cycliste parisienne» – n’a pas hésité à venir donner son avis en faveur du triplement des tarifs pour les voitures «les plus lourdes», expliquant qu’on «n’a pas besoin des SUV en ville». Elle est également venue répondre à la seconde question, uniquement posée aux habitants du 10e : «pour ou contre réserver les trottoirs du boulevard de Magenta aux piétons et créer de nouvelles pistes cyclables sécurisées sur la chaussée». «Je serais venue même s’il n’y avait eu que la première question, mais je suis vraiment contre cette piste cyclable sur le trottoir, où les cyclistes manquent à tout moment de renverser les piétons», explique-t-elle.
Un avis partagé par Michelle, 70 ans, qui assure s’être déplacée «spécialement» pour cette seconde question, elle qui veut «absolument que cette piste cyclable disparaisse de la chaussée». Elle a tout de même profité de la votation pour se positionner contre l’augmentation des tarifs pour les voitures les plus lourdes, jugeant «inadmissible qu’on taxe les propriétaires de grosses voitures» tout en reconnaissant «ne pas être véhiculée» et se disant «dégoûtée par les écolos». «C’est honteux», lance-t-elle, offusquée que l’on puisse faire payer davantage les conducteurs de voitures en fonction du modèle de leur voiture et ce, alors même que «certaines sont électriques». À son côté, son mari Guy évoque même une «rupture d’égalité».
«La première fois que j’ai vu le flyer de la votation, je me suis dit “c’est une blague ?”», s’insurge à son tour Laurence, 67 ans, s’interrogeant même sur le caractère légal de la démarche «de faire payer plus cher uniquement les propriétaires des voitures les plus grosses». Selon elle, cette mesure «stigmatise» une partie de la population, voire pire, contribue «à augmenter les inégalités». Une décision symptomatique à ses yeux «de la politique menée par Anne Hidalgo qui consiste à monter les uns contre les autres». «Pourquoi ne pas faire payer directement les constructeurs automobiles qui sont les premiers à décider de la taille et du poids des véhicules ?», s’interroge-t-elle.
C’est aussi pour montrer son désaccord avec la politique municipale que Grégory, 39 ans, s’est déplacé, «décidé à voter contre tous les projets de la maire». Il a également voté contre la piste cyclable sur la chaussée, de «peur de voir son quartier se transformer en immense chantier» si le pour l’emportait. Avec lui, son compagnon Damien, 50 ans, adhère au «principe citoyen» et profite de donner son avis dès lors qu’on «lui en offre la possibilité», peu importe si le sujet ne le concerne pas. Enfin, Cécile, 30 ans, s’est quant à elle mobilisée pour la question parisienne sur le stationnement des SUV. «Je suis cycliste et piétonne, et c’est devenu de plus en plus compliqué pour nous de circuler dans une ville aussi dense, surtout lorsque les voitures sont garées à moitié sur le trottoir, à moitié sur la chaussée», déplore-t-elle, casque de vélo à la main.
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Présente ce midi dans sa mairie d’arrondissement, la maire du 10e Alexandra Cordebard, s’est quant à elle réjouie «de l’intérêt fort des Parisiens pour les deux questions posées». «Beaucoup de monde est venu voter. Le fait qu’on ait ajouté la question sur l’aménagement du boulevard de Magenta à la question parisienne a également beaucoup intéressé», estime l’élue de gauche. Selon elle, cette piste cyclable sur la chaussée «incarne le conflit piétons-vélos» qu’«il faut réussir à régler». «L’exercice de démocratie participative se passe plutôt bien», confirme à son côté Paul Simondon, l’adjoint à la mairie de Paris chargé des finances et du budget de la Ville.
Ouvertement pour le triplement du tarif de stationnement pour les voitures les plus lourdes et les polluantes, l’élu estime néanmoins que l’objectif n’est pas de renflouer les caisses de la mairie, mais bien de diminuer la place allouée à ces véhicules polluants. «C’est du win-win. Soit on a plus de recettes, soit on a moins de SUV à Paris», souligne le gardien de la bourse de la Ville. Si le pour l’emporte, le visiteur, dont le véhicule thermique ou hybride rechargeable dépasse 1,6 tonne, ou deux tonnes pour un véhicule électrique, devra payer 18 euros l’heure pour les arrondissements centraux ou 12 euros pour les arrondissements extérieurs.
Sans surprise, les associations d’automobilistes dénoncent l’organisation de cette votation, au premier rang desquelles l’association 40 millions d’automobilistes. Pour son président Philippe Nozière, «cette votation est une mascarade», alors que les résultats sont selon lui «courus d’avance». «Les gens qui vont faire l’effort d’aller voter seront ceux qui seront contre», croit-il savoir, rappelant que les Parisiens «ne sont pas concernés» dans la mesure où l’augmentation des tarifs ne s’appliquera pas aux résidents parisiens, ni aux professionnels sédentaires garés dans leur zone de stationnement autorisé. Et non plus aux chauffeurs de taxi dans les stations dédiées, aux artisans, professionnels de santé et personnes handicapées, énumère la mairie.
«Ceux qui vont être concernés, ce sont les banlieusards et les touristes qui viennent à Paris et à qui on va faire payer le parking trois fois plus cher que les autres. C’est une position que je trouve inadmissible», fustige le représentant d’automobilistes, qui se questionne : «Est-ce réellement légal de faire payer le parking plus cher ?». «C’est une inégalité totale», regrette-t-il encore, estimant que «les Parisiens eux-mêmes sont inégaux vis-à-vis du stationnement dès lors qu’ils vont stationner dans un arrondissement qui n’est pas le leur (…) C’est de la com comme seule Anne Hidalgo est capable de le faire».
Preuve en est selon lui, la question posée au départ – «plus ou moins de SUV à Paris ?» – celle présente sur l’ensemble des flyers distribués par la Ville n’est pas la bonne. «Ils se sont rendu compte qu’ils ne posaient pas la bonne question. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont choisi d’éluder le problème des SUV dans la question finale», poursuit Philippe Nozière, selon qui les SUV «ne polluent pas plus et ne sont pas plus gros qu’un autre véhicule, seulement plus hauts». Une évolution de la taille des voitures décidée avec l’objectif de «mieux sécuriser les automobilistes et mettre également un certain nombre de fonctionnalités supplémentaires». «Tout cela est générateur de poids et de taille, c’est pour ça que les véhicules sont plus lourds et plus gros qu’il y a 20 ans, mais si c’est une question de poids, qu’Anne Hidalgo interdise les bus !»