Qui a dit que tous les jeunes étaient blasés, désabusés, en souffrance ? Le baromètre réalisé par BVA pour la Macif et la Fondation Jean-Jaurès auprès de 1000 Français de 18 à 24 ans, révélé par Le Figaro, oppose un démenti clair à cette idée reçue. Il révèle en effet qu’une large majorité des jeunes (72%) se disent optimistes quant à leur avenir. Soit 10 points de plus que lors de la précédente édition du sondage l’an dernier. Ils sont par ailleurs environ la même proportion (69%) à affirmer que leur moral est bon ( 3 points par rapport à 2022).
«On sent un retour de l’énergie de la jeunesse post-Covid, observe Alban Gonord, directeur de l’engagement à la Macif. Je le lis comme la sortie positive d’une situation qui a tenu les jeunes isolés, anxieux, avec un sentiment d’abandon.» Les stigmates de la crise sanitaire et des confinements, qui ont plongé beaucoup de jeunes dans des tourments psychiques, semblent s’estomper petit à petit. «Je pense m’être assez bien réacclimatée à la vie, je sors beaucoup et vois souvent mes amis, raconte par exemple Capucine, étudiante francilienne de 21 ans. Cependant, je connais beaucoup d’amis de mon âge qui ne sortent plus du tout autant qu’avant et qui me disent qu’ils préfèrent rester chez eux depuis le Covid.»
Signe de ce renouveau apparent, 61% des jeunes interrogés se disent davantage en recherche de sens et d’engagement dans leur travail ou leurs études ( 5 points par rapport à 2022), et 49% plus motivés qu’avant ( 7 points). Pour Victor, 23 ans, les défis actuels, en particulier écologiques, sont davantage un motif d’action que de paralysie. Lui qui travaille en alternance à Toulouse dans l’aéronautique, un secteur à l’avant-poste des critiques quant à son impact environnemental, estime que «chaque génération fait face à ses propres défis». «Je n’ai aucun doute qu’on arrivera à les relever !», assure-t-il, disant ainsi «souvent penser à l’avenir». «Je pense à comment je vais pouvoir changer ce monde qui inquiète, et en particulier le secteur de l’aéronautique.»
À lire aussi«C’était le job de mes rêves, mais j’ai vite déchanté» : ces jeunes cadres déçus par leur premier emploi
Malgré tout, tous ne sont pas dans le même état d’esprit. Alexandra, 24 ans, se dit très inquiète pour son futur, et celui de la société de manière générale. «Les gens sont de plus en plus violents, irrespectueux, condescendants, haineux. J’ai de plus en plus peur pour moi et pour mes proches, et j’ai peur de fonder une famille plus tard. Au niveau professionnel, j’ai peur de devoir privilégier un travail qui paye plutôt qu’un travail qui me plaît. J’ai peur de ne pas en trouver d’ailleurs», énumère la jeune femme, actuellement en dernière année de master de lettres, arts et sciences humaines, disant être dans l’incapacité de se projeter.
Le baromètre de la Macif et de la Fondation Jean-Jaurès montre effectivement que la plupart des jeunes semblent avoir du mal à se projeter dans le long terme. Néanmoins, près de la moitié (48%) dit parvenir à s’imaginer dans les cinq prochaines années. «Ce court-termisme s’illustre aussi dans les sujets d’avenir auxquels ils leur arrivent de réfléchir», note l’étude. Une minorité pense à l’avenir de leur(s) futur(s) enfant(s) (42%), au patrimoine qu’ils transmettront (35%), à leur protection sociale (32%) et à leur retraite (25%). Le sujet d’avenir qui les préoccupe le plus, et de très loin, est leur épargne (64%). «Quand on entre dans la vie active, on pense à épargner pour avoir une retraite», rapporte Océane, jeune Niortaise de 23 ans.
Pour Alban Gonord, cette importance accordée à l’épargne est symptomatique de la génération Z. «C’est une jeunesse attachée à une forme de stabilité, de cadre. On pourrait l’appeler “jeunesse cocon” ou “jeunesse castor”, qui est pleine d’énergie mais recherche d’abord son propre confort», analyse le directeur de l’engagement à la Macif, observant par ailleurs «une distance par rapport au travail et un recentrage sur elle-même». Et également une forte aspiration familiale. Pour un tiers des jeunes sondés (32%), une vie de famille épanouie est l’incarnation de la vie réussie, devant l’argent et les voyages.
On retrouve cette recherche de stabilité dans le rapport au travail de la génération Z. Les 18-24 ans sont par exemple plus nombreux à dire vouloir rester le plus longtemps possible au sein de la même entreprise (29%) que de changer d’entreprise à plusieurs reprises (20%). «Je ne me vois pas faire le travail que je fais pendant 10 ou 15 ans, mais je me vois rester au sein de mon entreprise», raconte par exemple Océane, conseillère clientèle au sein d’un grand groupe d’assurance.
À lire aussiContrats flexibles, télétravail, semaine de 4 jours: comment les entreprises tentent de séduire les jeunes
Et pourtant, dans le même sondage, on apprend que ce besoin d’équilibre n’est pas antinomique avec une recherche d’engagement. Plus d’un jeune sur deux (56%) dit se sentir prêt à s’engager dans au moins une organisation dans le futur – en particulier dans une association (32%) – soit 11 points de plus qu’en 2022. «Il y a une contradiction entre les comportements et les attentes des jeunes, qui sont plutôt introvertis, et leur déclaratif d’idéal, où le collectif peut ici être mobilisé», estime Alban Gonord. Ainsi, «ils attendent beaucoup de l’entreprise», ajoute-t-il. Ils sont par exemple 41% à considérer que l’entreprise se doit d’être utile à la société. De quoi permettre de comprendre la volonté de beaucoup de jeunes de changer les choses de l’intérieur. Comme Victor, qui appelle sa génération à «agir au sein des entreprises», celles-ci ayant «les leviers pour faire changer les choses et mettre en place des projets de transition écologique».
Mais attention à ne pas tomber dans la généralisation. Les exemples de jeunes véritablement engagés dans les faits sont légion. Omar, 19 ans et étudiant en école de commerce, s’est par exemple déjà lancé et a une vision claire du futur de son engagement. Membre depuis trois ans d’association œuvrant en faveur de la scolarisation des enfants de régions rurales enclavées au Maroc, le jeune homme dit vouloir à terme que cela «se concrétise par un engagement politique pour participer à des mouvements de réforme systémique» dans son pays natal qu’est le Maroc.
De son côté, Thaïs, boxeuse de haut niveau de 22 ans, en lice pour se qualifier pour les Jeux olympiques 2024 à Paris, a créé sa propre association, dont le but est de faciliter l’accès au sport. «Je ne regarde pas trop les infos, je veux garder mon énergie pour agir à mon niveau et changer les choses autour de moi», indique-t-elle. La jeune sportive, également étudiante en management du sport, a elle aussi de la suite dans les idées. Elle dit en effet se projeter déjà dans l’entrepreneuriat, «suite logique de l’association et du sport».