Les Français se préparent pour l’hiver et s’adaptent aux prix élevés de l’énergie, quitte à faire des sacrifices. Les chiffres d’une étude du Crédoc – le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie – dévoilée par Le Parisien sont marquants : 65% des ménages disent ainsi avoir réduit leur utilisation du chauffage cette année. Un choix souvent dicté par l’envolée des factures. Selon l’Insee, les prix de l’énergie ont ainsi bondi de près de 18% sur un an en septembre. Une inflation durement ressentie par beaucoup de Français dont la dépense «énergie» représente en moyenne 8,9% de leur budget, souligne le document.
Sans surprise, les gestes sobres se multiplient donc chez les ménages, plus par contrainte que par choix. Les économies attendues sont importantes : le chauffage représente 60% de la consommation totale d’énergie du logement, et baisser d’un degré la température diminue la consommation de 7%. 44% des personnes interrogées, ayant un chauffage individuel, disent ainsi avoir réduit la température de leur logement, contre 19% en 2009. Autre piste utilisée : retarder l’allumage du chauffage, une option adoptée par 24% du panel, contre 22% en 2009.
Les Français les plus fragiles sont les plus concernés, comme ceux ayant «des statuts précaires, des personnes au foyer, des employés», détaille le document. Malgré cela, un nombre croissant de Français se montre en incapacité partielle ou totale de payer ses charges. Au cours des douze derniers mois, la proportion des Français concernés a presque doublé passant de 10% en juin 2021 à 18% en juin dernier.
Pour ne rien arranger, cette surcharge a été combinée à un alourdissement de la facture carburant. Les prix à la pompe ont ainsi progressé de 34% entre le deuxième trimestre 2021 et 2022. Le chiffre aurait pu être plus élevé sans la remise de 30 centimes de l’État et celle de 20 centimes dans les stations TotalEnergies, qui diminueront mi-novembre avant de s’arrêter à la fin de l’année). Sans elles, la hausse aurait atteint 46%, calcule le Crédoc.
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Même si elle a été modérée, cette envolée a incité de nombreux automobilistes à appuyer sur la pédale de frein, multipliant les économies. 45% des personnes interrogées par le Crédoc déclarent ainsi avoir moins utilisé leur voiture. Si beaucoup de trajets sont incompressibles, comme ceux entre le domicile et le travail, des gains peuvent se faire en mutualisant les moyens de transport ou en trouvant des trajets plus courts. En moyenne, selon l’étude, «une augmentation de prix de 10% des carburants réduit, à court terme, la quantité de carburants consommée par les ménages de 2% à 3% sur un an. Après un an, la consommation d’essence diminuerait de 4% à 6%.»
Beaucoup de trajets sont aussi purement et simplement supprimés, en premier lieu les visites à des proches ou la pratique de loisirs. Plus grave encore, une part «non négligeable» des personnes indiquent avoir renoncé à réaliser des examens médicaux ou des démarches administratives.
Sur les 65% des Français qui déclarent avoir changé leurs comportements au quotidien suite à l’augmentation des prix, seul un tiers dit ne pas ressentir de sentiment de frustration. Pour cette dernière tranche, la possibilité de voir ses nouvelles habitudes s’ancrer dans le temps est importante. Le cas échéant, la crise actuelle aura été le terreau de comportements plus sobre.
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Mais, pour l’autre groupe, largement majoritaire, la sobriété est moins bien vécue. Chez ces derniers, la baisse de consommation généralisée ne s’est pas traduite par l’émergence de pratiques alternatives susceptibles d’en atténuer les effets. Ainsi, moins d’un quart d’entre eux ont cherché à avoir recours à des pratiques collaboratives, comme le covoiturage pour le carburant, les échanges de services ou la location d’objet. Ces changements ont donc été vécus comme une paupérisation par les intéressés, qui vont tenter d’y échapper une fois la situation revenue à la normale.
L’étude cite en exemple la crise de 2008 : à l’époque, l’envolée des prix du carburant avait entraîné une baisse du kilométrage moyen parcouru. Un recul effacé dès 2009 avec le tassement des prix. Reste à savoir, combien de temps cette population devra attendre avant de pouvoir reprendre ses habitudes.
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