Longtemps locomotive de l’Europe, l’Allemagne devrait subir une récession plus intense que prévue en 2023, estime le FMI dans ses dernières prévisions trimestrielles. La faute à des taux d’intérêt élevés et des échanges commerciaux moribonds.
Dans ses prévisions mondiales trimestrielles, l’institution table désormais sur une contraction de 0,5% du Produit intérieur brut (PIB) de la première économie européenne, contre un recul de 0,3% prévu lors de son estimation précédente en juillet. Le rapport confirme que l’Allemagne sera le seul pays du G7 à voir son activité se contracter cette année. Cette contre-performance de la traditionnelle locomotive de l’UE déteint sur la prévision de croissance de la zone euro, également abaissée de 0,2 point de pourcentage pour 2023, à 0,7%. Dans le prolongement d’un été marqué par une succession de mauvais indicateurs, l’Allemagne va connaître à nouveau «une légère contraction économique» au second semestre de l’année, comme ce fut le cas lors du dernier hiver, prévoit le FMI.
La quatrième économie mondiale essuie un double choc, avec la «faiblesse des secteurs sensibles aux taux d’intérêt» et le «ralentissement de la demande des partenaires commerciaux», explique-t-il. C’est un peu mieux, sans être flamboyant, au sein des autres pays de la zone euro. Pour la France, la prévision de croissance du FMI a été revue en hausse de 0,2 point de pourcentage, à 1,0%, compte tenu du rattrapage de la production industrielle et de la demande extérieure lors du premier semestre. En Italie, où le taux d’inflation est le plus élevé de la zone euro, l’activité va progresser de 0,7%, soit 0,4 point de moins que prévu auparavant.
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L’institut basé à Washington prévoit un rebond de l’Allemagne en 2024, mais a revu ses prévisions à la baisse, à 0,9 % de croissance du PIB contre 1,3 % en juillet. La faiblesse chronique de la croissance allemande ces dernières années a fait ressurgir le spectre de l’«homme malade de l’Europe» dans les médias, une expression remontant à la fin des années 1990 après le contrecoup de la réunification. L’envolée des prix de l’énergie et la dépendance au commerce extérieur avec la Chine, son premier partenaire depuis plusieurs années, se retournent contre l’Allemagne depuis la guerre russe en Ukraine et le tassement de l’activité chez le géant asiatique, a observé Isabel Schnabel, membre allemande du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, dans une récente interview.
D’autres facteurs structurels, comme le vieillissement rapide de la société et la pénurie croissante de main-d’œuvre, pourraient «avoir des effets à plus long terme» sur la croissance, ajoute-t-elle. La lourdeur des réglementations et la numérisation trop lente de l’économie sont aussi régulièrement mises en cause. Fort émetteur de CO2 à cause du poids de l’industrie et d’un mix énergétique en partie dépendant des énergies fossiles, le pays doit accélérer sa transformation verte et technologique s’il veut voir perdurer le succès du «Made in Germany» à l’exportation, pilier du modèle allemand. «L’Allemagne est comme un quadragénaire qui a longtemps réussi, mais qui doit maintenant se réorienter professionnellement», avait fait valoir dans une interview cet été Clemens Fuest, de l’institut économique allemand Ifo.
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Le cocktail de facteurs défavorables rend «nécessaire d’agir», a reconnu fin septembre le ministre de l’Économie Robert Habeck. «Nous devons supprimer les obstacles à l’investissement, éliminer la jungle de la bureaucratie et faciliter la tâche des entrepreneurs», a exhorté Robert Habeck. Les principaux instituts économiques allemands voient même le recul du PIB atteindre -0,6% cette année, soit pire que la prévision du FMI. Le gouvernement actualisera mercredi sa prévision économique pour 2023 et devrait désormais tabler sur une baisse du PIB de 0,4%, selon plusieurs médias. Attention à ne pas sous-estimer les ressources de l’Allemagne, observe Holger Schmieding, économiste de la banque Berenberg.
Les «champions cachés» du pays, des petites et moyennes entreprises souvent très spécialisées, ont l’habitude de résister aux chocs et de trouver de nouvelles opportunités, a-t-il écrit dans une récente note d’analyse. «La vague actuelle de pessimisme est largement exagérée», selon lui.