Difficile de trouver plus belle symbolique pour Michel Platini. Quarante ans après la défaite légendaire en demi-finale de la Coupe du monde 1982 face à l’Allemagne au cours d’une nuit de Séville qui fait encore pleurer les plus nostalgiques, l’ancien numéro 10 des Bleus a obtenu vendredi une victoire éclatante sur un autre terrain de jeu. Celui moins sexy mais tout aussi important des tribunaux.

Après plus de six ans d’enquête et deux semaines de procès, « Platoche », 67 ans et Sepp Blatter, 86 ans, respectivement anciens présidents de l’UEFA et la FIFA, ont été acquittés par la justice suisse dans l’affaire supposée d’escroquerie. Un dossier dans lequel le Français était suspecté d’avoir «obtenu illégalement, au détriment de la Fifa, un paiement de 2 millions de francs suisses» (1,8 million d’euros). Et un feuilleton qui a précipité sa chute en mondovision, lui qui était promis au poste tant convoité de patron du football mondial en 2015. Pour des ambitions brisées. Un rêve inachevé.

« Bien sûr que c’est un beau jour, mais je ne peux pas vous dire que c’est l’un des plus beaux de ma vie car c’est juste la confirmation de ce que j’affirme depuis sept ans, a planté Michel Platini, très offensif durant tout le procès mais aussi au moment de commenter la décision du tribunal pénal fédéral de Bellinzone. Tout ça pour ça… C’est bien qu’enfin la vérité explose après autant de manipulations, de mensonges et d’injustice. Je vous avais dit que j’étais un mec honnête, il fallait me croire. »

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Du Platini pur jus dans le verbe et l’attitude, qui n’a pas hésité à distiller quelques « platocheries » devant une foule de micros désireux de recueillir ses premiers mots. Un vrai spectacle médiatique et une manière lyrique pour le natif de Joeuf (Meurthe-et-Moselle) de faire retomber la pression après une procédure interminable et des attaques aussi nombreuses que douloureuses. « Les commissions de la FIFA et le TAS (tribunal arbitral du sport) ne m’ont pas cru, alors qu’un vrai tribunal m’a cru aujourd’hui. La justice de ceux qui ne sont pas dans le football me sauve de la justice du football, alors que j’ai consacré toute ma vie à ce sport. C’est ça qui fait du mal. »

Si le parquet avait requis mi-juin, un an et huis mois de prison avec sursis envers les deux dirigeants, le triple Ballon d’Or (1983-1984-1985) estime avoir « gagné un premier combat » tout en faisant une nouvelle fois allusion à une manipulation politico-judiciaire destinée à l’écarter du pouvoir. « Dans cette affaire, il y a des coupables qui n’ont pas comparu au cours de ce procès. Qu’ils comptent sur moi, nous nous retrouverons. »

Tacle viril et très appuyé envers Gianni Infantino, actuel président de la FIFA mais surtout ancien bras droit de Platini à l’UEFA, qu’il soupçonne d’avoir tenu un rôle occulte. Depuis 2020, ce dernier est visé par une procédure distincte pour trois rencontres secrètes avec l’ancien chef du parquet suisse. « Oui, c’est un complot, et ce n’est pas facile de se retrouver face à ces gens-là avec leurs lobbyistes et leurs millions, poursuit le Français qui voue une haine viscérale à l’actuel patron du football mondial. Tu te défends comme tu peux. Je suis fatigué, les Platini sont fatigués, c’est dur ce que nous avons vécu. »

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À l’issue d’un procès qui a au final lavé l’honneur de l’ancien joueur de Saint-Etienne et de la Juventus, avec un tribunal jugeant plausible le récit des deux accusés, et estimant que l’escroquerie n’était «pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude», un doute demeure quant à l’appel possible du ministère public suisse ou de la Fifa. À l’instant T, l’affaire n’est pas encore définitivement terminée. Sur ce point, Platini se veut confiant. « Ils feront ce qu’ils veulent, mais moi, à leur place, après ce qu’ils ont pris dans la gueule aujourd’hui, je ne ferais pas le match retour. »

Même ton offensif au sujet de Gianni Infantino. « Je peux juste dire que je ne laisserai rien passer, ce n’est pas fini. En France, j’ai déposé plainte (contre le président de la Fifa pour « trafic d’influence actif ») pour savoir exactement qui a tout manipulé, on va commencer à s’amuser. » Et sur un possible retour dans le monde du football ? « Je ne sais pas. Je suis si jeune, j’ai toujours plus de cheveux qu’Infantino. Je possède encore beaucoup d’années devant moi. On verra. » Quarante ans après le souvenir douloureux de 1982, Michel Platini rugit encore. Plus que jamais.

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