Ce n’est pas de putsch, comme l’interprétait le magazine spécialisé américainVariety qui a annoncé la nouvelle, mais une réforme concertée. La commission en charge de sélectionner le film français proposé aux Oscars pour décrocher une nomination dans la catégorie meilleur long-métrage international, change de visage.

Suite au décret du ministre de la culture Rima Abdul-Malak, le comité comprendra sept professionnels du cinéma : deux exportateurs, deux producteurs, deux réalisateurs et une personnalité qualifiée. Comme le veut l’usage actuellement en vigueur, ces «jurés» seront renouvelés chaque année par le ministère pour éviter les conflits d’intérêts et permettre aux ex-membres d’entrer dans la course aux Oscars les années suivantes s’ils ont un film de prêt.

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Le grand chambardement est la suppression des trois sièges dévolus aux représentants d’institutions : Académie des César, Cannes et Unifrance. Exit donc Thierry Frémaux, le délégué général du plus grand festival de cinéma du monde et Véronique Cayla à la tête des César. À la tête d’Unifrance, Serge Toubiana restera en tant qu’observateur. Tout comme le Président du CNC, reconduit récemment dans ses fonctions par la ministre de la Culture.

Jusqu’à présent ces membres de droits représentaient un tiers des neuf voix de la délibération. Ce qui faisait grincer des dents. Certains y voyaient un conflit d’intérêts et soupçonnaient certains nommés d’être orientés. L’an passé, le choix du vainqueur de la palme d’or fantastique Titane sur le lion d’or L’Événement, récit d’un avortement clandestin dans la France des Sixties, avait fait peser sur Thierry Frémaux des soupçons de favoritisme.

Lassé d’être souvent pointé du doigt, ce dernier n’avait pas caché son envie, ces derniers temps, de quitter le comité et de voir son fonctionnement évoluer. Une vision partagée par le ministère et les professionnels du cinéma tant la course aux Oscars et l’Académie américaine de cinéma se sont métamorphosées. D’une part, avec l’irruption des plateformes de streaming. D’autre part, avec l’élargissement du corps électoral des Oscars, plus jeune, plus diverse, plus féminin, plus international. Il fallait des membres bien versés dans les nouveaux usages hollywoodiens.

Dont acte, la commission chargée d’envoyer le candidat français aux Oscars 2023 sera composée des réalisateurs Michel Gondry, nommé aux Oscars pour Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, Jacques Audiard, en lice pour Un prophète, des producteurs Philippe Rousselet, vainqueur de plusieurs statuettes avec le remake de La Famille Bélier CODA et Didar Domehri (El Presidente). Ainsi que les exportateurs Hengameh Panahi et Grégoire Melin. La personnalité qualifiée sera Ariane Toscan du Plantier, directrice de la communication et du patrimoine chez Gaumont.

Leur mission sera délicate. Avec plus de 90 pays qui envoient un prétendant aux Oscars, les places sont chères. L’Académie américaine n’en présélectionne que neuf pour n’en nommer que cinq. Ces dernières années, la France n’a réussi à passer ce barrage qu’une fois sur deux ou trois. Présentés en 2022 et 2021, Titane et Deux sont ainsi restés sur le carreau de la présélection.

Le dernier Oscar ramené en Hexagone remonte à 1993 pour Indochine. Cela n’a pas empêché plusieurs longs-métrages tricolores de briller aux Oscars. En lice dans les catégories «régulières», La Môme et The Artist ont vu leurs stars Marion Cotillard et Jean Dujardin primés. Retoqué à l’Oscar du meilleur film étranger, Persépolis de Marjane Satrapi a été nommé dans la catégorie meilleur film d’animation. Des coproductions comme Amour de Michael Haneke ont concouru dans la catégorie meilleur film international mais sous pavillon autrichien !

Pour certains familiers de la commission, il faudrait aussi que ses membres défendent des choix plus réalistes et aillent plus vers des œuvres grand public que d’auteur. Ils citent le succès critique et public des derniers lauréats de l’Oscar du film international Parasite et Drive My Car.

D’ailleurs, la commission du CNC change aussi ses critères de sélection. Les films souhaitant représenter la France aux Oscars devront déposer formellement leur candidature et donc être motivés et avoir un distributeur aux États-Unis. La commission n’aura plus à dresser des listes elle-même. Les formulaires devront être transmis d’ici au 1er septembre. Le 15 septembre, la commission établira une présélection de 3 à 5 films. Le 22 septembre, ses sept membres auditionneront les producteurs et exportateurs des films en question, avant de procéder au choix final. Le dossier de candidature du film désigné devra être transmis à l’Académie des Oscars avant le 3 octobre 2022.

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