Un règlement européen menace de briser l’art de pétrir la lumière. Saisi par les maîtres verriers et la chambre syndicale nationale du vitrail, le Sénat a alerté jeudi sur la menace que représenterait l’interdiction du plomb envisagée par l’Union européenne. Une décision qui entraînerait les filières du patrimoine à «péricliter ou se délocaliser».

La révision du règlement européen «Reach», qui classe les substances chimiques en fonction de leur dangerosité pour la santé et l’environnement, pourrait à terme conduire à interdire l’utilisation du plomb en France. La commission des affaires européennes du Sénat a adopté à l’unanimité «une proposition de résolution européenne adressée au gouvernement» à ce sujet, et un «avis politique, destiné à la Commission européenne», est-il précisé dans un communiqué.

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Il n’existe à ce jour «aucune donnée épidémiologique fiable mettant en question en France et en Europe la santé des travailleurs exposés au plomb dans le domaine du patrimoine culturel», avancent les sénateurs. Les maîtres verriers sont «légitimement inquiets, car la fabrication et la conservation du vitrail sont indissociables de l’usage du plomb», a déclaré Catherine Morin-Desailly, rapporteure, devant la commission des affaires européennes.

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Si le plomb venait à être interdit, les métiers du patrimoine concernés pourraient «péricliter ou se délocaliser en dehors de l’Union européenne». Au lieu d’une révision de ce règlement «Reach», les sénateurs proposent que des études scientifiques soient d’abord réalisées, et qu’un Protocole national et européen de prévention du risque plomb sur les chantiers des monuments historiques soit mis en place. Cette interdiction menace également les fabricants d’orgues, les tuyaux de ces instruments étant constitués de plomb de 10 à 95%.

En France, le choix du plomb a déjà fait débat à l’occasion du chantier de restauration de Notre-Dame de Paris. Le choix d’une reconstruction à l’identique implique l’utilisation de ce métal pour la toiture et la flèche de la cathédrale endommagée lors de l’incendie d’avril 2019. Ses détracteurs soulignaient cependant les risques de ce métal ductile et malléable pour la santé. Sur le chantier, les ouvriers travaillant au cœur de l’édifice ont dû prendre jusqu’à six douches par jour pour s’en décontaminer. Mais l’art du vitrail, lui, ne saurait s’en passer.

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