Envoyé spécial à Sderot
C’est une colline à l’ouest de la ville de Sderot. D’ici, la bande de Gaza est toute proche, quelques centaines de mètres. Mais on distingue péniblement la silhouette de Beit Hannoun. La ville palestinienne est noyée dans la brume. L’air moite transporte clairement les bruits des combats qui s’y déroulent encore. Des claquements nets, de sourdes explosions, le rugissement d’avions de chasse tout proches et pourtant invisibles.
La nuit dernière, l’armée israélienne a lancé son raid le plus intense depuis le début de la guerre, le 7 octobre. Samedi matin, elle a annoncé avoir bombardé «150 cibles souterraines dans le nord de la bande de Gaza, dont des tunnels de terroristes, des espaces de combat souterrains et d’autres infrastructures». Ces violents bombardements ont accompagné une incursion terrestre : des images diffusées samedi matin par le service de communication de l’armée montrent des dizaines de chars Merkava, qui seraient toujours sur place.
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Coupé en début de soirée, Internet n’a toujours pas été restauré dans la bande de Gaza. Le contact est impossible à établir avec les habitants, qui utilisent surtout les réseaux sociaux pour communiquer avec le reste du monde. Depuis plus de douze heures, Gaza est plongée dans le brouillard. Ce samedi, le dernier bilan communiqué par le ministère de la Santé du Hamas faisait état de 7703 morts dans les bombardements ; un chiffre impossible à vérifier. Le seul message qu’on reçoive encore de Gaza, depuis Israël, ce sont les roquettes Al Qassam, les missiles tirés par les combattants du Hamas. Samedi, dans la matinée, les sirènes d’alarme ont retenti dans plusieurs localités avoisinant la bande de Gaza : à Kissufim, Magen, Nachal Oz, Nir Oz, Soufa, Nir Itzhak…
Entièrement évacuée il y a deux semaines, Sderot est une ville fantôme. Les seuls êtres humains qu’on y croise sont des journalistes et des soldats. Assis sur des chaises en plastique, à l’ombre de petits barnums blancs, ils contrôlent les voitures. Parfois, quelqu’un passe en filant au volant de sa voiture.
À une demi-heure de route plus au nord, la ville d’Ashqelon est déserte elle aussi. On y trouve un peu d’activité dans l’hôpital Barzilaï, où sont toujours soignés des blessés du 7 octobre. Habitante de Sderot, Sara Touito a évacué la ville dès le lendemain de l’attaque terroriste du Hamas. Elle vit désormais chez sa belle-sœur Rachel, à Rishon Letzion, dans le centre d’Israël. Mais elle retourne souvent à Ashqelon. Son fils, Oshri, 27 ans, a été grièvement blessé le 7 octobre. Une balle lui a fracassé le visage, il a perdu un œil. Il a déjà subi sept opérations mais elle ne sait pas quand il pourra reprendre un semblant de vie. En attendant, elle dort dans sa chambre d’hôpital. « Quand il y a des bombardements, on ne peut pas l’emmener au Mamad (le refuge, NDLR), il a trop de tuyaux. Heureusement sa chambre donne côté nord, pas vers la bande de Gaza, donc on espère ne pas être frappé par les roquettes. » Dans les couloirs de l’hôpital, depuis trois semaines maintenant, le grondement de la guerre rythme le travail du personnel.