Yann Lasnier, Délégué général de l’association Les Petits Frères des pauvres

Il faut rester extrêmement prudent quant à l’utilisation de ces appareils connectés. Aux Petits Frères des pauvres, nous considérons que le maintien en vie n’est pas le maintien dans la vie. Certes, un robot est en mesure de rappeler à votre parent âgé qu’il doit boire ou ouvrir ses volets. Mais rien ne remplacera la visite d’un soignant, d’une aide à domicile ou d’un proche, venu les vérifier.

La pandémie, et c’est une bonne chose, est venue nous interroger sur la place que prend aujourd’hui la technologie dans nos vies. Évidemment, celle-ci s’est avérée très utile en nous permettant de rester en lien malgré la distance imposée, via des plates-formes ou des applications. Mais cette crise a également souligné l’importance cruciale du contact humain, le peau à peau, le face à face, les gestes, les regards.

Par ailleurs, qu’allons-nous faire de ces outils ? Parce que justement ils sont utiles, allons-nous nous en servir pour nous donner bonne conscience ?

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Pour nous dédouaner de cet accompagnement qui nous incombe ? Il est vrai que, grâce à un appareil connecté, nous pourrons constater de loin que notre parent âgé a l’air d’aller bien. Ainsi rassurés, n’allons-nous pas, dans nos emplois du temps surchargés, en profiter pour remettre à plus tard notre visite ?

Cette question présente enfin des enjeux financiers. La population vieillit et de nombreuses innovations contribuent à une marchandisation du lien social.

Ce n’est pas du robot dont il faut se méfier. Mais de l’utilisation que nous allons en faire. C’est à la société dans son ensemble de s’interroger sur la meilleure façon dont prendre en charge nos aînés: quelle place voulons-nous pour eux ? Et quelle place pour la technologie dans leur vie ? »

Maribel Pino, docteur en psychologie et ergonomie cognitive, directrice du Broca Living Lab

Parce que ces dispositifs sont encore peu connus du grand public, ils sont vite diabolisés. Pourtant, nous sommes aujourd’hui très loin de l’image un peu fantasmée, nourrie de science-fiction, de machines qui viendraient se substituer aux individus.

Pour nous, la question de l’éthique est centrale. Voilà pourquoi nous mesurons depuis plus de dix ans l’intérêt de la robotique sur un plan pratique, en conditions réelles au domicile ou à l’hôpital Broca, mais aussi son acceptabilité et son adaptabilité. Nous l’étudions comme n’importe quelle autre intervention psychosociale : quel est le but de cet outil ? Qu’apporte-t-il aux patients ?

Les robots ne remplacent pas la présence humaine, celle des soignants ou des proches : ils viennent compléter la prise en charge. Certains vous permettent de contacter plus facilement vos parents, en plus de vos visites. D’autres peuvent, lors d’un examen médical, diminuer la sensation de douleur de la personne. Ou sont programmés pour la stimuler en lui proposant une activité (jeu de mémoire, exercice physique). Ils sont donc un moyen supplémentaire de veiller à son bien-être.

Ils favorisent aussi, chez certains patients, les interactions. Lors de séances filmées avec Paro, un robot qui ressemble à un phoque, nous avons observé un apaisement : les personnes expriment leurs émotions, s’adressent à lui comme à un animal de compagnie. Cependant, ça s’arrête là. Comme dirait l’une de nos résidentes « Oui… Enfin bon, on ne peut pas discuter ! » Finalement, ces robots ressemblent surtout à des smartphones adaptés aux personnes âgées. Pourquoi les en priver ? »